Analogie.
Ça aurait pu ne jamais arriver. Mais c'est arrivé quand même. Dans une réalité fixée, comme un point sur une vaste carte, comme une chemin qu'ils ont sciemment choisi d'emprunter tout en sachant qu'ils allaient tomber, c'est arrivé. Les élèves sont là. Ils marchent ou ne marchent pas. Et les cours continuent ou s'arrêtent là. Et on avance pour un compte à rebours latent, à attendre la fin pour un commencement, sans prendre conscience de l'arrêt brutal du temps. Et la vie reste la vie, fidèle à sa douce intensité. Et les couleurs trop vives, presque fluorescentes lui grillent les pupilles. Il pense que ses yeux vont imploser sous les feux infamiliers, dans les couloirs qu'il pense avoir déjà sillonnés. Et il croit rêver quand les lumières lui abîment les pupilles. Il croit sans croire quand il les voit. TaeHyung passe son chemin à la pause, parce qu'il n'a rien d'autre à passer. Et au détour d'un couloir il lève les yeux. Les formes floues sont toutes décuplées. Ces teintes disharmonieuses ne cachent pas la vision absurde. Au bout du chemin, il les voit. Et JungKook prend Jimin dans ses bras. Et ça a l'air tendre vu comme ça. Et ça vibre et ça se multiplie et ça devient tout autre chose puis ça redevient ce que c'est.
TaeHyung est fatigué. Mais c'est la réalité. JungKook a un autre garçon dans ses bras. TaeHyung ne respire plus, fait demi tour, manque de percuter un seconde puis marche. Marche loin. Il pousse la porte des toilettes d'un coup sec, s'isole dans une cabine. Les sanglots lui coupent la gorge. Les larmes l'aveuglent. Il ne peut plus respirer. Et il regarde autour de lui pour trouver la sortie de son esprit mais il est enfermé à clé. Il ne peut pas s'échapper. Et il étouffe. Et il pleure seul dans les toilettes. Son dos glisse contre la paroi bleue. Il y a de grosses traces sur ses lunettes. Ses cheveux sont mal coiffés. Et son corps est invisible. TaeHyung pleure. Il pose ses paumes gelées contre ses tempes, tente de se remuer lui même. Et il se sent faible, idiot, indiscret et mal. Il se sent mal. Il pleure en cascades. Ses larmes forment des îlots le long de ses joues, des comètes en chute libre et ses iris deux trous noirs avides. Ses sanglots tournent en convulsions incertaines. Il étouffe en lui même. Sa poitrine se soulève puis s'abaisse violemment. Tremblement de terre contre ses côtes. C'est sûrement son cœur qui implose.
Puis une bile acide remonte dans sa gorge. Il tombe puis s'appuie à la cuvette froide. Il vomit ses tripes impures. Il crache ce qu'il n'a pas. Coulent ses larmes, trépasse son souffle. Il retombe contre la paroi. Ses poumons souffrent encore, comme titubant dans une abîme profonde. Mais en silence cette fois. TaeHyung pleure. Et il se tait dans ses larmes. La sonnerie retentit. Les pas pulsent. Et il reste là, le menton levé vers le plafond. Il regarde les graffitis oubliés, le visage pâle, presque blanc, le front en sueur et les doigts tremblants. Il s'accable. C'est de sa faute. C'est lui. Il s'accable. Il le sait. Mais il ne sait pas. Il ne sait pas que quelques mois auparavant JungKook écrivait des poèmes raturés dans cette même cabine. Il pleure sur ses traces. Il ne fait que ça. Il se tue à ça. Et il ne sait pas. Qui sait si c'est mieux comme ça.
TaeHyung demeure silence dans le silence durant des minutes qui lui semblent être des heures. Il est là. Et il ne l'est pas. Il voudrait disparaître. Il aimerait fermer les yeux et ne plus être là. Il aimerait qu'on l'oublie encore plus qu'on ne le fait déjà. Il aimerait tout ça mais ça ne suffit pas. Alors il attend. Il attend jusqu'à ne plus pouvoir attendre. Alors il se lève et s'en va, sort du lycée sans aller en cours. Parce qu'il n'aime pas ça. Et qu'il a perdu le sens de sa poésie. Il se sent vide mais encore trop plein. Il ne se sent pas assez bien. Alors il marche dans son quartier, traîne un peu partout. Et puis juste avant de rentrer, il regarde sa maison. Et il a l'impression de ne l'avoir jamais vue avant. Peut être que oui, il ne l'a jamais vue avant.
Et peut être que dans une autre réalité, on retrouve le sens caché de toutes nos poésies.