Refrain.

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Refrain.

Il fait nuit. Il fait plutôt froid. L'automne est puissant, presque palpable. Les lumières du stade sont aveuglantes. Les cris de la foule sont assourdissants. Et tout le monde en redemande. Les gens parlent fort, frisent l'euphorie. Pour une fois, les gradins du terrain sont remplis. Les lycéens se bousculent et s'élancent pour trouver un peu de place. Sur l'herbe, les joueurs s'échauffent et toisent l'équipe adverse d'un œil mauvais. Namjoon est là. Il sourit à ses amis qui se sont trouvés des places tout en haut. JungKook aussi est là. Son voisin Jin discourt vivement sur un sujet absurde que JungKook ne comprend pas. Mais JungKook rit parce que Jin est amusant. Les cheerleaders font des figures sur le terrain. Elles sourient un peu trop, mais personne ne s'en rend compte. JungKook balaye des yeux la masse. Tous ces gens emmitouflés dans leurs manteaux se ressemblent. Il fouille et les dépouille des yeux.

TaeHyung a son casque sur les oreilles. Il se faufile entre les bras et les jambes déployées. Quand JungKook distingue une ombre vive entre les silhouettes sombres, il sait qu'il est là. Juste en bas. Leurs regards se croisent. TaeHyung s'arrête, le fixe, presque étonné. Et JungKook se lève. Ils s'observent un peu plus longtemps que d'habitude. Ils se voient pendant que personne n'ose. Puis JungKook se rend compte qu'il a l'air idiot, ainsi posté au milieu d'une bande de personnes assises. Il fait signe à TaeHyung de le rejoindre, un rictus content sur le visage. Il se rassoit. Jin le questionne du regard. JungKook hausse les épaules. Il ne sait pas. Personne ne sait. Il sent le bras de TaeHyung se coller au sien quand il s'installe à sa gauche. Ils se sourient et se saluent. Ils se sourient encore. TaeHyung a retiré son casque rouge pétant. Il réchauffe ses mains dans sa veste verte.

Il y a des nuages dans le ciel mais il ne pleut pas. Et durant tout le match TaeHyung se dit qu'à côté de JungKook il n'a pas si froid. Les gens crient, les gens soupirent. Les bras se soulèvent et les voix s'élèvent. JungKook et ses amis s'exclament souvent et TaeHyung trouve ça drôle. Il ne connaît pas les règles mais JungKook les lui explique. Il parle tout près de son oreille et fait de grands gestes pour qu'il comprenne. Et le temps passe, même quand les deux se regardent, même quand ils sont persuadés du contraire. Le temps part. Puis le match se finit. Tous les lycéens ont l'air heureux. Et au cœur de cette forêt de bras et de mains tendues, les doigts de JungKook se posent sur l'épaule de TaeHyung. Alors TaeHyung se mêle à l'euphorie.

Il était venu pour lui. Lui était là. L'attendant mais ne l'avouant pas.

Un peu plus tard, JungKook et ses amis sont regroupés dans le café d'à côté, fast food à ses heures perdues. Ils échangent sur le match. NamJoon a une étincelle fière dans les yeux. TaeHyung est serré à côté de JungKook. Il écoute les autres parler. Il aime les entendre. Il se sent bien, entouré d'inconnus, et il trouve ça bizarre. Ainsi, collé à un JungKook qui débat avec Jin sur un film hors d'âge, il ne fuit pas. Il répond quand on lui pose des questions. Sa voix est parfois un peu trop aiguë. Il se demande s'il n'est pas un peu trop franc. Mais les autres l'interrogent davantage et comprennent pourquoi JungKook l'a amené là. Parce que c'est bien comme ça.

Il est déjà tard lorsqu'ils sortent sur le parking. Il n'y a plus que TaeHyung et JungKook devant la devanture et ses néons. Il n'y a plus qu'eux et le lycée de l'autre côté de la rue. Une petite enceinte accrochée au dessus de la porte passe un morceau de The Crowded House.

« -Don't dream it's over, murmure JungKook.
-Tu connais ? »

JungKook se tourne vers TaeHyung et, les mains dans les poches, il lui donne un léger coup de coude.

« -Bien sûr, pour qui tu me prends ? »

TaeHyung sourit et le silence s'installe. Ils écoutent la musique. Elle couvre le parking vide. C'est comme si le chanteur était là. C'est comme si les musiciens jouaient pour eux. Et les néons se reflètent dans les vagues humides. JungKook marche devant TaeHyung et fredonne les notes familières. TaeHyung rit et lui demande d'arrêter. Mais JungKook continue et l'autre rit encore. Son rire brille plus fort que les lumières fendillant la nuit. Alors JungKook fredonne davantage.

Lune blanche, mon alcôve de Terre,
Tu as percé les rudes nébuleuses.

L'astre luminescent se fraye un chemin entre les nuages et soudain, le sol humide scintille. TaeHyung baisse les yeux et trace des lignes luisantes avec ses pieds. Ses converses rapiécées forment des courbes et reviennent à leur place. Quand il relève la tête, JungKook observe la lune. Il suit son regard. Et elle est si douce, jetant un feu si clair sur leur peau déjà calcaire.

« -C'est beau.
-Oui. »

Les âmes poétesses reflètent la lumière de la Lune qui reflète la lumière du Soleil. Et les miroirs sur le béton sont éblouis.

Et dans une autre réalité où JungKook sait que TaeHyung vit dans son quartier, il rentre à pieds, pendant que l'autre conduit son vélo lentement, juste à côté de lui. Juste pour lui.

Âmes Poétesses - TaeKookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant