Placet.
Tout est blanc ici. Les murs sont immaculés, les portes aussi. Les fenêtres sont ouvertes. Le ciel est à l'air libre, aussi propre qu'un ciel peut l'être. Et les longs rideaux blancs volent, tels des divinités romaines, à la peau claire comme le vent. Ici, c'est pur et parfaitement silencieux. JungKook est assis sur un des fauteuils de la salle d'attente. Entourés de longs cils très noirs, ses yeux divaguent. Il ouvre son livre et relit cinq fois le même passage. Il le ferme et le remet dans son sac. Les coudes posés sur ses genoux, les mains qui se frottent, les doigts qui se fendent, il attend. Il attend avec le fantôme des personnes qui ont attendu avant lui. Le rideaux décolle, flotte un peu, puis retombe. JungKook cligne des yeux. Il fait beau et chaud dehors. Mais c'est encore plus lumineux à l'intérieur. Le garçon est seul, et il attend. Il s'empare d'un magazine, regarde les images retouchées. Le papier glacé luit quand le soleil apparaît. Rien ne l'intéresse. Rien ne l'occupe. Il repose nonchalamment le magazine sur le tas déjà en vrac. Il pense un instant à reprendre son livre, mais une voix derrière la porte, juste en face de lui, se fait un peu plus forte. Quelques secondes passent. Le battant s'ouvre. JungKook relève la tête.
Des mots, des saluts, des voix qui tombent au bout des phrases. Puis la porte se ferme. TaeHyung s'assoit à côté de JungKook. Un silence se passe de bouches en bouches. Il n'y a qu'eux dans une pièce toute blanche. Et derrière chaque porte, il y a des mondes qui se côtoient. Ils sont entre tous ceux là. JungKook inspire, se lance, demande :
« -Qu'a dit le médecin ? »
TaeHyung se tourne vers lui. Ils se scrutent, les yeux clairs. TaeHyung ne soupire pas, ne pleure pas, ne tremble pas. Rien de tout ça.
« -Comme toi.
-Et c'est tout ?
-Non. Il a dit que si je n'avais pas repris du poids la prochaine fois, ils m'enverraient à l'hôpital. Et puis il a dit qu'il contacterait mes parents. Je suis malade. »JungKook le regarde sans rien dire. Il comprend mais il ne comprend pas.
« -Pourquoi tu ne m'as jamais parlé de ça ?
-Parce que je ne savais pas. »Une absence les encombre. Une vague de vent chaud grimpe de leurs cheveux à leurs ongles. TaeHyung stagne vers le soleil. Il a un songe flottant sur le visage. Et sa voix semble venir de l'autre côté de la fenêtre ouverte quand il dit :
« -Je ne veux pas aller à l'hôpital. »
JungKook lui dit qu'il le sait, il pose sa main sur son épaule et l'invite à s'en aller. Ils marchent à une cadence ensommeillée vers leur quartier. Ils marchent et ne s'arrêtent que pour regarder les rosiers précoces pousser par dessus un mur de briques rouge. Le rose pale plonge sur la matière brute. Ce sont des âmes poétesses ; le mur est une épreuve, la rue la liberté, et leur jardin la réalité.
Et peut être que dans une autre réalité, ils cueillent les roses sans se piquer.