Elizabeth était au bord de la dépression. Deux jours plus tôt, elle avait pris la décision de ne pas partir en Espagne, et de fausser compagnie au Capitaine qui devait l'y conduire, grassement payé par le Gouverneur de Port Royal... La jeune femme avait du mal à se remettre de sa décision.
Trois mensonges... J'en suis à trois mensonges, moi qui n'en ai jamais proféré un seul de toute ma vie !
Après avoir abandonné le navire pour l'Espagne et toutes ses affaires, elle s'était enfoncée dans les rues étroites des environs du port et avait loué une chambre dans une taverne avec ce qui lui restait dans sa bourse. Elle avait de quoi rester une bonne dizaine de jours, mais elle n'en avait pas l'intention.
La nuit dernière, terrifiée, elle avait dormi d'un sommeil très agité, peuplé des visages de son père et du Commodore, furieux de leur avoir menti. Mais Jack s'était taillé une place aussi et des trois hommes de son rêve, c'était du Capitaine Sparrow dont elle s'était souvenue en se réveillant, transie et terrifiée...
Je dois faire quelque chose... Ça ne peut plus durer... Je dois le rejoindre, je fois savoir si je me fourvoie ou si...
Cette idée était parfaitement stupide et elle le savait, mais cet homme l'obsédait depuis près de huit mois !
Alors qu'elle aurait dû, en jeune fille de bonne famille qu'elle était, oublier cet homme mal élevé, elle ne parvenait pas à se le sortir de la tête... Il était là, tapi en elle, la tourmentant la nuit quand elle s'y attendait le moins... Le pire avait sans doute été pendant sa nuit de noces où ce cher pirate avait fait irruption dans ses pensées alors qu'elle et James consommaient leur épousailles...
Honteuse de telles pensées, Elizabeth était pelotonnée sur son lit, l'oreiller serré contre elle. Jack l'obsédait et elle repensait encore et toujours à cet instant sur le quai, quand elle avait repoussé son invitation...Si j'avais accepté, il m'aurait enlevée et je serais avec lui à présent...
Elizabeth hoqueta, perdue. Elle frotta son visage contre le drap dur sous elle puis soupira profondément. Soudain, elle s'immobilisa et releva la tête. Elle venait de prendre une décision. Elle allait très certainement le regretter, mais tant pis. Elle devait faire quelque chose et rapidement.
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— Voilà ce que j'ai. Cela vous ira ?
Elizabeth considéra la chemise blanche, le gilet d'homme, le pantalon marron et les bottes brunes, d'un œil critique.
— Combien cela va-t-il me coûter ?
— Eh bien, il faut compter seize schillings pour la chemise, onze pour le gilet, quinze pour le pantalon et vingt-deux pour les bottes. Avec ça, vu le temps, j'ai aussi un manteau à trente-trois schillings et un chapeau à neuf schillings. (1)Elizabeth grimaça. Elle prit sa bourse et se détourna. Mais elle savait qu'elle n'avait pas assez d'argent pour payer tous ces vêtements, et cela lui fit très bizarre, car toute sa vie, elle n'avait jamais eu à se poser une telle question...
— Je suis désolée... Je ne vais pas avoir assez d'argent... dit-elle en se retournant.
— Hum, eh bien... Combien avez-vous, Madame ? demanda le vendeur.Elizabeth se mordit la lèvre et lui donna sa bourse.
— C'est peu... dit-il en fourrageant dedans de son index.
Un silence s'installa et pendant une seconde, Elizabeth songea à tourner les talons. Elle se voyait déjà frapper à la porte de la maison du Gouverneur, penaude, et annoncer qu'elle avait refusé de partir en Espagne...
— Une seconde, Madame...
Elizabeth sortit de ses pensées et regarda le vendeur qui l'observait de haut en bas.
— Combien coûte votre toilette ? demanda alors le vendeur en tournant autour d'Élizabeth, inspectant sa robe.
— Je l'ignore, elle vient de France...Pourquoi ?Le vendeur releva le menton.
— De France... Eh bien, Madame, je pense que nous avons trouvé un moyen pour payer vos achats...
Elizabeth haussa les sourcils. Elle posa ses mains sur son plastron rigide.
— Ma robe ? Vous voulez ma robe en échange de ces vêtements ?
— Elle est de très bonne facture, elle vient de France, je n'aurais aucun mal à la revendre, même en seconde main...
— Combien vaut-elle ? demanda Elizabeth.
— C'est un cadeau ?Elizabeth opina.
— Alors je ne peux vous dire son prix, répondit le vendeur. Cependant, je peux vous dire qu'avec le prix que je vous la rachète, vous avez largement de quoi acheter trois fois tous les articles que je vous ai présentés... Et peut-être un petit extra.
Elizabeth pinça la bouche, perplexe.
— Alors ? Qu'en dites-vous ?
La jeune femme hésita un moment et caressa l'étoffe délicate de sa robe en soie précieuse. Avait-elle vraiment le droit d'hésiter ? Elle n'avait plus aucune possession. Son père et son ex-mari la pensaient sur le bateau en direction de l'Espagne...
— Madame ?
Elizabeth regarda le vendeur puis hocha la tête.
— Prenez-la, dit-elle. C'est un cadeau de mon ex-mari, ce sera un souvenir en moins.
Le vendeur se frotta aussitôt les mains. Il invita ensuite la jeune femme à passer dans une cabine d'essayage et lui donna les vêtements qu'elle désirait. Il la confia à une jeune femme pour qu'elle l'aide a se défaire et se rhabiller...
~
La journée était déjà bien avancée quand Elizabeth regagna sa chambre dans la taverne. Elle s'installa sur son lit en déposant son nouveau manteau, bleu, sur une chaise, puis elle s'observa dans un miroir et plissa le nez.
C'était la première fois de sa vie qu'elle portait des pantalons et elle était bien obligée d'admettre que c'était extrêmement confortable et bien moins encombrant que ces robes à deux jupons en soie et ces corsets étriqués, même si elle en portait tout de même un, mais beaucoup moins rigide.Sentant son visage se crisper, Elizabeth renifla et se mordit les lèvres. Elle glissa alors sur le sol et fondit en larmes...
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(1) Note de l'Auteur : Je n'ai aucune idée de l'équivalence entre les euros et les schillings de l'époque de Pirates des Caraïbes donc si les prix vous paraissent trop élevés, n'hésitez pas à me le faire savoir ;) )
Dernière modification le 26/07/2020
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⏳ Capitaine E. Sparrow
Fanfiction[SPARRABETH] La première fois qu'Elizabeth Swann rencontre Jack Sparrow, c'est lorsqu'il lui sauve la vie à Port Royal où il se trouve en vue de récupérer le Balck Pearl... Depuis, mariée au Commodore James Norrington, Elizabeth réalise qu'être une...