Chapitre 13

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— Nous voilà en vue des côtes Françaises. Monsieur Gibbs, éloignons-nous de la portée des longues-vues, ils ne doivent pas reconnaître le Pearl sinon nous serons pris en chasse.
— Entendu, Capitaine.

Gibbs aboya alors de virer de bord et de s'éloigner jusqu'à ce que les terres françaises ne soient plus visibles grâce à la courbure de la Terre. Ainsi, ils savaient qu'ils étaient dans la bonne direction, mais personne depuis les côtes ne pouvait les voir.

Arriver en vue des côtes anglaises prit cependant plus de temps que prévu car le Pearl rencontra, le lendemain, les restes d'un affrontement qui n'avait laissé que des épaves...

—  Mille Krakens... jura Gibbs à voix basse en regardant les débris de bateaux et les corps inertes qui flottaient à la surface de l'eau. Vous pensez qu'il y a des survivants ?
—  On va aller voir, dit Jack. Mettez la chaloupe à la mer, ajouta-t-il. Vous venez avec moi. Anamaria, tu gardes le fort.
—  Bien, Capitaine !

Le silence était pesant et l'air embaumait encore le souffre des canons. L'odeur des cadavres en décomposition commençait à la remplacer et, du bout de longues perches, les matelots du Pearl, sur ordre d'Anamaria, appuyèrent sur les cadavres pour les faire couler. Inutile qu'ils soient rejetés sur les plages françaises...
À l'aide de gaffes, d'autres récupérèrent tonneaux, caisses, draps, cordages, tout ce qui pouvait servir sur un rafiot, et Gibbs et Jack, à bord de la chaloupe, pénétrèrent dans le centre de l'affrontement.

— La Compagnie des Indes... dit Gibbs en regardant un grand morceau de bois peint en jaune et bleu... Ils ont dû rencontrer un Seigneur Marchand et...
— Tais-toi ! dit soudain Jack.

Gibbs cligna des paupières.

— Quoi ? demanda-t-il.
— Chut ! Écoute ...

Jack, un doigt contre ses lèvres, tendit l'autre bras et Gibbs tâcha d'ouvrir grand ses oreilles. Un bruit sourd se fit entendre et il grommela en repoussant un morceau de bois qui avait heurté la chaloupe. Soudain, il tourna la tête.

—  Il y a des survivants ! dit-il.

Jack se leva aussitôt dans la barque qui gita violemment. Gibbs jura et son Capitaine porta ses mains autour de sa bouche.

— Est-ce qu'il y a des survivants ?! appela-t-il alors. Nous pouvons vous aider !

Gibbs tendit l'oreille. Le silence pesant du champ de bataille était presque insoutenable. Soudain, il y eut un clapotis et quelqu'un toussa.

—  Par ici...

Gibbs s'empara immédiatement des rames et Jack se baissa. Ils suivirent la faible voix et s'approchèrent d'une série de barques attachées entre elles par des cordages. Il y avait quatre ou cinq personnes dans chaque barque, des gens terrifiés, trempés et blessés.

—  Nous arrivons, dit Jack.

Soudain, le chien d'un mousquet que l'on arme se fit entendre et Jack soupira en levant les mains.

— Ok, dit-il. On ne vient pas vous achever, on vient vous sauver, alors posez ce pistolet.
—  Vous... Vous êtes des pirates ! tremblota une voix d'homme. Vous... Vous allez tout prendre, vous...

La voix flancha et Jack se retourna. L'homme qui pointait le pistolet sur lui était agenouillé dans la quatrième barque, et deux femmes l'entouraient. Dans les jupes de l'une d'elles, la plus jeune, un jeune garçon le regardait en tremblant. Jack regarda alors autour de lui.

—  Je suis le Capitaine Jack Sparrow, dit-il. Je fais route vers l'Angleterre, nous n'avons croisé personne depuis près d'une semaine et la côte française est à des miles d'ici. J'ai de quoi vous nourrir et réchauffer sur mon navire. Je vous conduirait sains et saufs jusqu'aux côtes françaises, vous avez ma parole.
—  Vous êtes un pirate... grelota une femme.

Jack se tourna vers elle. Il fronça les sourcils en remarquant qu'elle était bien habillée sous son grand châle en laine. Sa coiffure était en bataille, son maquillage avait coulé, mais il n'y avait aucun doute, elle était une noble.

— Que s'est-il passé ? demanda alors Jack. Il y a au moins deux épaves et des centaines de morts...
—  Nous sommes des marchands, dit l'homme au pistolet. Nous avons croisé un vaisseau de la Compagnie des Indes qui a voulu nous escorter mais...
— Ce n'était pas la Compagnie des Indes, dit la femme près de lui, celle plus âgée. Nous avons cheminé deux jours avant qu'ils ne se décident à aborder... Nous...
—  Nous avions de la poudre à canon à bord, dit l'homme au pistolet. Nous y avons mis le feu et...

Jack haussa les sourcils et croisa le regard de Gibbs.

— Mazette... dit celui-ci en se grattant le front. Vous avez fait sauter les deux vaisseaux ?
— Oui... Ils ont tué notre Capitaine et ils ont menacé de tuer les enfants et de faire du mal aux femmes alors...
— Je vois, dit Jack. Bon, venez sur le Pearl, ça pue la mort, ici.

Il détourna la tête en grimaçant et Gibbs lança alors un cordage à l'homme au pistolet. Visiblement, tous étaient bien trop choqués pour riposter plus vivement, car personne n'opposa de résistance quand Gibbs tourna la barque pour retourner au Pearl.

~

—  Ils sont transis, terrifiés et épuisés, dit Anamaria. Les gars leur ont donné leurs hamacs et les deux femmes et l'enfant sont dans ma cabine. On va faire quoi d'eux ?
— Les déposer sur les côtes françaises, dit Jack en haussant les épaules. Je n'ai pas le choix, je ne peux pas les amener en Angleterre ni les ramener à Nassau.

Anamaria opina lentement. Ils n'avaient aucun moyen de contacter un fort de surveillance sur les côtes française, hormis avec les drapeaux de signalisation. Le Pearl ne sortant la bannière pirate que lors d'un acte du même nom, le reste du temps, il portait simplement un étendard noir triangulaire qui l'indiquait comme étant un vaisseau sans appartenance. Cependant, le Black Pearl était connu comme le loup blanc chez tous les marins et en voyant au loin sur l'horizon un vaisseau tout noir comme celui de Jack, les forts allaient sans aucun doute s'agiter.

Et ça ne manqua pas. À peine le Pearl passa l'horizon qu'un branle-bas de combat démarra dans le fort le plus proche, celui de la pointe de la Bretagne. Des feux furent allumés le long de la côte et en un rien de temps, un énorme navire sortit de la rade.

— Capitaine, on fait quoi ? demanda Gibbs.
—  On ne bouge pas, répondit Jack. Personne ne pose la main sur son sabre ou un pistolet, c'est compris ? Anamaria, va les chercher. Gibbs, allez jouer avec vos drapeaux.

Gibbs ne se fit pas prier. Il se hissa sur le pont arrière et attrapa des drapeaux, un rouge et un vert, qu'il se mit à agiter dans tous les sens. Jack colla son œil contre sa longue-vue et observa le gros navire qui approchait, toutes voiles dehors. À son bord, un homme agitait lui aussi des drapeaux, en réponse à Gibbs. Soudain, le navire vira de bord et plongea ses ancres. Jack ordonna de faire pareil. Le Pearl s'immobilisa brusquement et une chaloupe fut jetée à la mer par les deux navires.

~

— Venez, je vais vous aider... C'est le dernier ?
— Oui, Capitaine.

Jack regarda l'homme en face de lui. Ils avaient défini un périmètre de sécurité entre les deux bateaux, et jeté une longue passerelle entre les deux.

— Merci de les avoir sauvés, dit le Capitaine français.
—  Nous sommes passés à travers les épaves. J'ai beau être un pirate, je ne pouvais pas les laisser là sans rien faire, répondit Jack.
—  Tenez, dit alors l'autre Capitaine en lançant une bourse à Jack. Pour les vivres qu'ils ont consommées.

Jack attrapa la bourse, surpris, puis la passerelle fut retirée et le gros bateau s'en alla toutes voiles dehors sans un mot de plus. Sans perdre son reste, Jack ordonna que le Pearl reparte lui aussi, aussi vite que possible, qu'ils avaient un but à atteindre et qu'il aimerait bien que ce soit avant Noël.

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Dernière modification le 12/08/2020

⏳ Capitaine E. SparrowOù les histoires vivent. Découvrez maintenant