Chapitre 19

558 46 17
                                    

Elizabeth se frotta les yeux en soupirant. Elle regarda autour d'elle et étouffa un bâillement. Près de la porte menant au couvent, Gibbs dormait, assis sur un tabouret, le menton sur la poitrine et les bras croisés. Un ronflement secoua sa large personne et il mâchonna dans le vide.

Après avoir expédié toute la vaisselle, Elizabeth avait dîné avec Gibbs et les cuisinières de petit-salé et de riz, pendant que les servantes s'occupaient d'apporter leur dîner aux nombreuses sœurs du couvent, après quoi ils avaient tous rangé les cuisines et terminé la vaisselle, avant que les servantes ne les abandonne pour aller se coucher.

Les cuisinières étaient elles aussi parties, maintenant, et seuls Gibbs et Elizabeth demeuraient dans les cuisines, ainsi que Dola, la gardienne du cellier, qui dormait sur place. Elle avait pris le nourrisson avec elle pour dormir, ayant déjà eux neuf enfants et donc n'ayant aucun soucis avec eux, pas comme Elizabeth. Dola avait d'ailleurs bien vu que la jeune femme ne savait pas y faire avec les bébés. Elle grimaçait au moindre bruit qui sortait de sa bouche, avait un hoquet d'écœurement dès qu'il renvoyait un peu de nourriture, et quant aux odeurs émanant de ses langes...

Oh, Jack... Vivement que nous puissions quitter cet endroit... songea alors Elizabeth en se levant.

Elle alla se chercher un peu d'eau et observa la lune par le vasistas au sommet du mur. Cela lui rappela douloureusement sa cellule dans ce même couvent, quelques étages au-dessus, et elle n'avait qu'une hâte, quitter enfin cet endroit qui sentait la poussière et le renfermé.

.

Ce ne fut qu'une heure plus tard, et alors que minuit sonnait sourdement au clocher de Big Ben, que Randolf revint enfin donner des nouvelles. Ce fut Elizabeth qui l'accueillit en silence dans l'entrée des cuisines. Malheureusement, il n'était pas porteur d'espoir.

- Comment ça, rien trouvé ?
- Non, M'dame, j'ai rien trouvé, y a pas une mère qui pleure son enfant disparu depuis quelques semaines, répondit l'homme. Vous êtes sûre qu'il a été volé ?
- Oui, il me l'a dit... Autre chose ?
- Je sais pas si ça vous intéresse, mais j'ai rencontré une certaine Jerelynn qui dit qu'elle a été payée pour fournir un nourrisson à un homme avec une jambe de bois.

Elizabeth serra les mâchoires.

- Où est cette femme ? demanda-t-elle.
- Juste dehors...
- Très bien, je vais chercher le bébé, je le lui rend et nous quittons ce pays de fous.
- Mais...?

Mais Elizabeth avait déjà tourné les talons. Elle secoua Gibbs sans ménagement et il manqua tomber de son tabouret en sursautant, puis elle alla réveiller Dola, et Randolf fit entrer Jerelynn dans les cuisines.
Quand Dola, à moitié endormie, s'approcha avec le nourrisson dans les bras, la jeune femme se pencha en avant.

- Le bébé avait une tache de naissance sur l'épaule, dit-elle.
- En forme de cœur ? dit Dola.
- C'est ça... C'est lui, c'est le bébé que le pirate m'a acheté...

Jerelynn regarda alors Elizabeth et haussa un sourcil.

- Vous devez être Mademoiselle Swann, dit-elle alors. Je savais bien qu'il y avait quelque chose qui clochait, mais il m'a donné mille livres pour que je me taise et que je lui fournisse un bébé...
- D'où vient-il ? demanda Elizabeth, le poing serré.
- Du refuge... répondit la jeune femme. C'est là où on s'occupe des enfants des putains...

Elizabeth serra les mâchoires.

- Je vous offre deux mille livres, dit-elle alors. Vous reprenez le bébé et vous vous en occupez.
- Moi ? Mais non, je ne peux pas, je...
- Avec trois mille livres en poche, ma belle, t'as largement de quoi t'occuper d'un bébé, grogna Randolf. Alors tu prends le tout et tu la fermes.

Jerelynn baissa le nez. Elizabeth lui indiqua alors qu'elle ferait envoyer l'argent ici-même, à la Sœur-Mère, dès qu'elle serait de retour à Port-Royal. La jeune femme opina, prit le bébé et ses affaires, puis Randolf la poussa dehors et la porte se referma sur eux.

- C'est fini ? demanda alors Elizabeth en regardant Gibbs.
- On dirait bien... On rentre, maintenant ?
- Volontiers. Merci pour tout Dola, vous transmettrez mes remerciements à la Sœur-Mère, ajouta Elizabeth en prenant les mains de Dola.
- Bien entendu, mon petit. Retournez vite chez vous, votre pauvre père doit se faire un sang d'encre...

Elizabeth lui sourit puis elle s'enveloppa dans une cape et, sans lumières, ils quittèrent le couvent par une porte latérale avant de prendre la direction du port aussi vite que possible. Ils ne furent soulagés que lorsque le petit bateau de pêche que Jack avait acheté, jeta les amarres et prit le large, s'éloignant définitivement de Londres, au grand soulagement d'Elizabeth.

~

- Je n'aurais jamais pensé que ce bateau me manquerait...
- Navire. Ceci est un navire, pas un bateau.

Elizabeth sourit puis se hissa sur le pont quand Jack lui tendit la main. Elle se redressa et regarda autour d'elle. Tout l'équipage était là, silencieux, et quand Anamaria poussa un cri strident en se jetant sur son amie pour l'étreindre, tout le monde sembla retrouver sa voix.
L'aube se leva alors et Jack ordonna que tout le monde retourne à son poste pour lever les ancres. Les voiles dégringolèrent aussitôt le long des mats et les cordages se tendirent. Ravie d'être de retour, Elizabeth donna un coup de main en remontant les ancres avec Gibbs et même si la roue à bras était horriblement lourde, la jeune femme avait un sourire jusqu'aux oreilles.

- Contente d'être de retour ? demanda le Second du Pearl.
- Oh oui, je suis contente d'être enfin rentrée à la maison ! répondit Elizabeth.

Gibbs rigola puis poussa la barre en bois devant lui et Elizabeth poussa la sienne. Le bateau se mit en mouvement à peine les deux ancres détachées du fond marin, et quand elles furent remontées, la jeune femme quitta le pont et monta sur la dunette.

- D'ordinaire, les femmes portent la poisse sur les bateaux, dit Jack en lui laissant la barre. Mais vous, vous êtes l'âme du Pearl, ma belle Elizabeth Swann.

Elizabeth tira la langue.

- Plus de Lizie ? demanda-t-elle.

Jack lui décocha un sourire de sa spécialité puis il l'enlaça et joua avec les plis de sa robe.

- Dès demain, on vous trouvera des vêtements dignes de votre rang, dit-il. Ces précieuses étoffes ne sont pas faites pour naviguer.
- Vous avez conservé ma malle ? demanda la jeune femme.
- Bien entendu, pourquoi cette question ?
- Parce que j'ai les vêtements que j'avais achetés avant que...

Elle se tut et sourit. Elle se retourna alors face à Jack, adossée à la barre et il posa ses mains sur sa taille corsetée.

- Je suis lasse, dit-elle en jouant avec une de ses dreads. Et si nous allions dormir ?
- Nous ? s'étonna le pirate. Auriez-vous une envie quelconque ?

Elizabeth se faufila sous son bras quand il chercha à l'embrasser et elle s'éloigna vers l'escalier.

- Vous dans votre lit, moi dans le mien, dit-elle avec un sourire. Je suis une Lady, Jack, ne l'oubliez pas... Vous n'aurez accès à mon lit que lorsque moi, je le désirerai.
- Même si je vous épouse ? demanda le Capitaine.
- Même.
- Dans ce cas, bonne nuit chérie, et appréciez de dormir à nouveau sur l'eau !

Elizabeth hocha la tête, lui sourit, puis descendit les marches. En bas, elle indiqua à Anamaria qu'elle avait se reposer quelques heures, mais dès qu'elle serait remise de ses émotions, elle lui raconterait tout ce qui s'était passé cette année écoulée, enfin surtout ces derniers jours.

Levant les yeux, Anamaria regarda Jack. Le pirate était debout face à la barre du Pearl, les mains sur les pignons en bois, et il regardait droit devant lui. Un sourire étirait sa bouche et la jeune femme matelot sourit à son tour.
Aucun doute, les choses allaient enfin redevenir comme avant sur ce fichu rafiot plein de trous !

FIN PARTIE 2

⏳ Capitaine E. SparrowOù les histoires vivent. Découvrez maintenant