Chapitre IV : Océan

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Musique : theDOGS
Par Hiroyuki Sawano

 L'avant-poste n'était qu'à quelques kilomètres de la mer, il ne nous faudrait pas plus de vingt minutes pour y parvenir. Personne ne parlait, on n'entendait que le bruit des sabots frappant le sol. Le ciel s'obscurcissait de nuages sombres, annonciateurs d'orage. Je jetai un coup d'œil à Eren. Ses sourcils étaient froncés, et, de toute évidence, il n'était pas serein. Je me sentis mal moi aussi. Cette opération était bien plus périlleuse que les précédentes. Lors des premières invasions il y a plus de deux ans, des navires seuls ont étés envoyés en éclaireurs. Les premières vraies flottes n'étaient composées que de quelques navires. Par la suite, nous avions eu affaire à un type de bateau visiblement bien plus adapté à la guerre : lourdement armés, ils étaient équipés de canons à gros calibre et pouvaient propulser des missiles sous-marins. Heureusement, ces armements n'étaient pas conçus pour tuer des titans. Il faut croire qu'il n'était pas dans les habitudes des Mahrs d'en combattre. Ils préféraient plutôt être les enflures qui les lâchaient sur leurs victimes. Ces armes étaient plus précises que nos canons mais elles étaient aussi très lentes à changer de cible, il était donc facile pour le titan d'Eren de les esquiver. En revanche, elles n'en restent pas moins dangereuses : si les obus venaient à atteindre leur cible, l'explosion pourrait facilement lui arracher un membre ou lui briser la cage thoracique. Après avoir franchi une colline, nous vîmes la mer, au loin. Je me souvins alors de la première fois où nous avions assisté à ce spectacle.

Ça faisait un long moment que nous chevauchions en dehors du mur Maria. Nous n'avions rencontré qu'un seul titan, un spécimen de taille moyenne au membres atrophiés. Incapable de marcher, il s'était déplacé en rampant face contre terre. Le sillon qu'il avait laissé derrière lui semblait indiquer qu'il s'était déplacé extrêmement lentement, peut-être pendant des années. La terre retournée par son passage avait déjà refleuri à peine quelques mètres derrière. Eren avait lâché ces quelques mots à propos du titan : « Certainement l'un des nôtres, condamné au « paradis » Nous ne sommes plus très loin. » Ce genre de remarques m'était insupportable. Non pas que j'en voulais à Eren pour son pessimisme, mais cela faisait transparaître l'immense tristesse qu'il portait en lui.

Nous continuâmes notre chemin jusqu'à arriver au pied d'un mur, qui projetait une ombre imposante sur le sol. « Encore un mur... » songeais-je. Selon le récit du Dr Jäger, ce mur était celui duquel étaient poussés les Eldiens condamnés à devenir des titans mangeurs d'hommes. Le fait d'imaginer la chute me donna la chair de poule, et le mur me parut d'un coup bien sinistre.

« Aucun doute. C'est ici que les Eldiens étaient transformés en titans, dit Eren comme pour exprimer ce que nous pensions tous. Donc derrière, il doit y avoir... »

Il n'eut pas besoin d'en dire plus. Nous savions tous. Nous dépassâmes le mur et nous avançâmes sur une proéminence de la petite falaise qui se trouvait derrière. C'est la que nous la vîmes, enfin. Une étendue d'eau à perte de vue, un horizon parfaitement lisse... et une sensation d'immensité vertigineuse. La mer...

Nous descendîmes et nous approchâmes du rivage. Régulièrement, l'eau s'avançait de quelques mètres vers nous, puis refluait vers la mer. Ce mouvement répété et le bruit qu'il produisait étaient étrangement apaisants. Nous retirâmes nos bottes pour marcher dans l'eau peu profonde. Evidemment, Livaï ne nous suivit pas, trop méfiant. Quand Hanji s'exclama qu'elle avait vu un truc bouger, il lui répondit de ne pas s'approcher. « Ça pourrait être dangereux ! Ne touche à rien ! » avait-il dit. Quel rabat-joie... Pendant ce temps-là, Jean recrachait de l'eau de mer qu'il avait essayé de boire et Connie lançait de l'eau sur Sasha. Devant moi, Armin ne disait rien mais il était émerveillé par ce qu'il voyait. Il tenait dans sa main un caillou bizarre en forme de spirale. En rentrant dans l'eau mouvementée, j'eus une sensation vraiment étrange. En se retirant, l'eau me donna l'impression que je reculais, alors que j'étais immobile. Mes pieds s'enfonçaient dans le sable qui me chatouillait. Surprise, je ne pus réprimer un petit cri aigu. Armin se tourna vers moi, et en me voyant apeurée par de simple vagues, il eut un rire sincère et amusé. Cela me fit chaud au cœur de le voir heureux. Il s'adressa ensuite à Eren, qui était seul devant lui :

« Tu vois ? Je te l'avais dit, Eren ! Une étendue si vaste qu'aucun marchand ne pourrait en extraire tout le sel ! J'avais raison ! Elle est là, sous nos yeux !

—Ouais ! Cette immensité est à flanquer le tournis, répondit-il simplement.

—Oui !... Eren... Regarde ça ! De l'autre côté des murs, il y a la mer... Et par-delà la mer, il y a la liberté.

—C'est longtemps ce que j'ai cru, rétorqua Eren sans se retourner. Mais c'était une erreur. Ce qui nous attend là-bas, c'est l'ennemi. Tout est exactement pareil que les souvenirs de mon père. »

Il nous regarda. Son visage exprimait un profond désespoir. Pire que tout, ses yeux s'étaient emplis de larmes, prêtes à couler. Je détestais par-dessus tout le voir pleurer. Je me sentais si inutile... Nous avions rêvé de ce moment pendant si longtemps... Voir la mer.... Cela aurait dû être le symbole de notre liberté acquise, le premier pas vers la découverte du monde. Pourtant, cela ne l'avait pas rendu heureux. Cela n'avait été qu'une avancée vers un nouvel ennemi, plus dangereux. Eren pointa le doigt vers l'horizon :

« A votre avis... si on détruit cet adversaire, de l'autre côté des flots... est-ce qu'enfin... on obtiendra la liberté ? »

Oui, Eren. Je te le promets. Nous détruirons cet adversaire. Nous obtiendrons la liberté. Nous découvrirons le monde, ensemble. Et enfin, nous trouverons le bonheur.

Un amour à contretemps - EremikaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant