Chapitre XXIX : Piège

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Lorsque je repris conscience, ma première sensation fut celle, fulgurante, d'un sifflement assourdissant qui me vrilla les tympans. L'instant suivant, une vive douleur explosait dans ma tête, me forçant à serrer les dents pour contenir un gémissement. J'avais l'impression d'avoir le crâne pris dans un étau qui ne cessait de se resserrer, et, à chaque battement de mon cœur, je pouvais sentir mes veines pulser sur mes tempes endolories. J'essayai d'entrouvrir les paupières, mais à part les étoiles qui dansaient devant mes yeux, je ne vis rien que l'obscurité qui m'entourait. Je laissai échapper un râle de douleur alors que, prise de nausée et de vertiges, j'essayais de comprendre où j'étais. Que s'était-il passé, déjà ? Tenter de réfléchir devenait une torture avec cette douleur aiguë qui n'en finissait pas, et ne semblait pas vouloir faiblir...

« Tu vas mourir. Adieu. »

Le souvenir de ces mots funestes me frappa alors, et, quand tous les instants précédant mon inconscience me revinrent enfin, la panique me revint aussi, m'envahissant à nouveau toute entière.

Viktor. Les navires. La tempête déchaînée. La lame posée sur ma gorge. La terreur me nouant le ventre.

Prise alors d'un sentiment de danger irrationnel, la respiration bloquée et le cœur affolé, mon corps entier se crispa d'instinct, prêt à un combat sans merci.

Je me forçai finalement à me calmer au fur et à mesure que je retrouvais ma lucidité. Je ne luttais plus que contre des spectres. Ce combat était terminé depuis longtemps... et j'avais échoué.

Je revoyais l'expression sans scrupules de Viktor alors qu'il levait sa crosse au-dessus de mon visage. À ce moment-là, j'avais été sûre de mourir. La haine que j'avais vue brûler dans son regard ne m'avait laissé aucun doute. Avant d'être happée à jamais par les ténèbres, je me rappelais avoir eu une pensée fugace pour Eren, pleine de regret et de tristesse, comme si son visage était la dernière chose dont je voulais me souvenir avant de mourir.

Que s'était-il passé ? Pourquoi étais-je encore vivante ? Je m'efforçai de faire abstraction de cette douleur qui me brouillait l'esprit, certainement en séquelles du choc violent que j'avais reçu à la tempe, pour essayer de faire quelques mouvements dans l'obscurité. Cependant, je réalisai vite qu'une fois de plus, je me retrouvais prise au piège, privée de toute liberté de mouvement... Encore et toujours prisonnière.

Ce qui s'était passé pendant mon inconscience restait un mystère. Impossible de savoir où j'étais, le temps qui s'était écoulé, et encore moins la situation au-dehors. Cependant, j'étais sûre d'une chose : j'étais encore en vie. Enfermée, brisée, abandonnée, mais en vie. Et si mon intuition était bonne... Je ne me trouvais pas à bord du navire Mahr. Tout n'était peut-être pas encore fini...

Un bruit sourd résonna soudainement tout près de moi. Ce pourrait être n'importe quoi. Si je me fiais à mon ouïe qui me revenait enfin peu à peu... Une seule cloison me séparait de la source de ce son inconnu. Je retins mon souffle, puis tendis l'oreille avec attention et angoisse à la fois.

S'ensuivirent alors des bruits de pas, lents et étouffés, mais qui me restaient néanmoins audibles, leur écho sur le sol dallé brisant le silence des lieux, jusqu'ici le plus total. Je ne pouvais rien voir, ni même toucher autour de moi. D'ici, je n'entendais aucun bruit extérieur, ni vent, ni pluie, ni bêtes, ni hommes, rien, rien d'autre que ce sifflement persistant et le son de ces pas qui semblaient se rapprocher, de plus en plus, de là où je me trouvais, immobilisée et vulnérable.

Le bruit derrière le mur s'arrêta juste là, tout proche de moi, et j'entendis murmurer un mot, dans un souffle, indistinctement.

Puis, à quelques pas de moi à peine, un coup brutal fit trembler la porte de ma geôle dans un vacarme assourdissant. Quelqu'un essayait de forcer la porte! Un nouveau coup résonna, et un autre, redoublant de violence, continuant ainsi avec acharnement jusqu'à ce que, enfin, la porte cède dans un bruit de craquement de bois, et tombe avec fracas à l'intérieur de la pièce.

Une faible clarté se glissa par l'embrasure de la porte.

Je ne vis d'abord qu'une silhouette, se tenant debout dans le cadre de la porte.

Alors seulement, j'entendis sa voix, dans un murmure :

« Mikasa ?... »

À cet instant, le temps sembla se figer.

Je restai stupéfiée.

J'étais incrédule, incapable de réaliser l'inimaginable qui était en train de se produire... Et pourtant, j'aurais reconnu cette voix entre mille.

Puis, enfin, je répondis d'une voix tremblante d'émotion, alors que des larmes ruisselaient déjà sur mes joues :

« E-Eren ? C'est... C'est vraiment toi, Eren ? Je... Comment... ? »

Je n'eus même pas le temps de trouver les mots pour exprimer tout ce que mon cœur eut voulu dire que je sentis, tout autour de moi, une étreinte qui m'ôta les mots de la bouche... et je m'abandonnai alors au soulagement, laissant mes sanglots s'échapper et mes larmes couler, le long de ma joue jusque sur l'épaule de celui que j'avais enfin retrouvé.

À ce moment-là, l'espace de quelques secondes bénies, j'eus l'impression que mon cœur était de nouveau à sa place... Puis, émergeant de mes souvenirs brumeux, un doute horrible s'immisca dans mon esprit.

Avant même que je ne comprenne pourquoi, je sus que quelque chose n'allait pas.

C'était impossible. J'avais échoué à contrecarrer les plans des Mahrs. Tout s'était passé exactement selon leurs desseins. Alors, comment Eren pouvait-il se trouver ici, maintenant ?

« Tu vas mourir. Adieu. »

La réponse s'imposa alors à moi avec une implacable évidence.

C'était un piège.

Puis, tout explosa.

Un amour à contretemps - EremikaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant