Chapitre XXX : Traître

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Cette fois, je ne fermai pas les yeux. Je ne détournai pas le regard. En un clin d'œil, venant de partout à fois, une déflagration dévastatrice dévora l'obscurité autour de moi, transformant la pièce en un enfer indescriptible. Il n'y avait plus de murs, plus de plafond, plus de sol. Avant même que je comprenne ce qui se passait, des flammes déferlaient vers moi, emportant des pans entiers de murs dans leur souffle meurtrier.

Mais au même moment, quelque chose d'autre se passa. Eren resserra son bras autour de ma taille, recouvrit ma tête de son autre bras, et m'attira tout contre lui, m'entourant de son corps. Dans un éclat encore plus éblouissant que la déflagration, je sentis alors un dégagement d'énergie phénoménal.

A ce moment-là, je ne sus pas ce qu'il se passa autour de moi.

Mais quand je rouvris les yeux l'instant suivant, il n'y avait plus de bruit. Plus de chaleur. Plus que la lumière faible de braises rougeoyantes, tout juste étouffées. Tout autour de moi s'étalait à présent un spectacle irréel. Les flammèches qui subsistaient de part et d'autre se reflétaient à l'infini dans la pièce, à présent méconnaissable.

Un cristal bleuté recouvrait l'endroit du sol au plafond, si bien que celui-ci ressemblait désormais plutôt à une étrange caverne, dont les parois translucides scintillaient de manière surnaturelle. Il ne restait plus rien des murs, ni du sol, ni du plafond. À la place, des milliers d'éclats affûtés figés en l'air par le cristal, à quelques centimètres à peine de mon visage. En levant les yeux, je découvris les énormes blocs de la voûte, complètement effondrée. Sans cette couche de cristal retenant l'entièreté de la structure, il ne faisait aucun doute que j'aurais été écrasée sous la masse des décombres.

C'était comme si quelque instants avant ma mort, le temps s'était arrêté, interrompant la catastrophe pourtant inévitable. Bien sûr,je savais que c'était lui qui avait fait cela, à la dernière seconde, pour nous protéger. Cela semblait tenir du miracle... mais je savais qu'il n'en était rien. Eren était conscient du danger qui nous guettait, il y était préparé. Seul cela pouvait expliquer qu'il ait pu réagir aussi rapidement et avec une telle efficacité.

En me retournant pour regarder derrière moi, je remarquai aussitôt que mes entraves ne me retenaient plus au sol. J'étais enfin libre de mes mouvements. De toute apparence, la chaleur dégagée par la déflagration avait été telle que certains maillons des chaînes attachées derrière mon dos avaient complètement fondu .. Et cela à quelques centimètres à peine de ma peau qui était pourtant restée indemne. Les jambes tremblantes, je me relevais légèrement, gardant l'échine courbée pour pouvoir me tenir sous le plafond à moitié écroulé de la pièce.

Eren, qui était quelques secondes plus tôt auprès de moi, semblait avoir disparu. Mais ce qu'il s'était vraiment passé n'avait rien de mystérieux pour moi. En un seul coup d'œil, je reconnus les étranges nervures se détachant dans les parois de cristal. C'étaient des os. Je me tenais en ce moment à l'intérieur même de la cage thoracique d'un Titan à moitié matérialisé, dont la chair solidifiée avait peine la forme d'un corps.

« Eren ? Tu m'entends ? » appelai-je, pour ne recevoir en réponse que mon propre écho.

Il devrait être juste au-dessus de moi, derrière cette paroi... S'il ne sortait pas, c'était probablement qu'il n'en avait plus la force. Peut-être même était-il trop faible pour prononcer le moindre mot. Je n'avais pas le choix, il fallait je le sorte de là moi-même. Ce cristal semblait d'une solidité incroyable, mais si Eren pouvait la briser pour sortir de son Titan, elle ne devait pas être incassable.

Dans cette pièce vide aux parois lisses, il n'y avait pas un seul objet qui pouvait m'aider. Je pris les chaînes qui pendaient toujours à mes poignets, et les enroulai autour de mes poings. Tant pis. J'irai à la force de mes mains s'il le fallait. Sans aucune hésitation, je rassemblai ma force et projetai mon poing sur la paroi au-dessus de moi. Sans même attendre que la douleur inévitable explose dans mes doigts, je frappai de mon autre poing, avec autant de force, et répétai ce geste stoïquement, en encaissant la souffrance que je m'infligeais moi-même.

Un amour à contretemps - EremikaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant