Un amour à contretemps - Eremika

Chapitre XI : Liens

Je repris lentement conscience. Aussitôt, un mal de tête horrible me vrilla les tempes. Merde... J'avais dû me cogner la tête un peu trop fort... Les souvenirs étaient encore flous dans mon esprit... Qu'est-ce qui s'était passé ? Je me rappelais vaguement d'une bataille chaotique. Il nous avait fallu nous battre... Je me rappelai encore avoir ressenti cette sensation... La sensation unique de combattre pour sa vie, lorsque je côtoyais la mort à chaque instant, lorsque mon corps n'avait plus aucune limite dans ses mouvements. Pour remplir mon devoir, je pouvais tout faire. Mais... pas cette fois. Pour l'instant, le reste était perdu dans ma mémoire embrumée. Des souvenirs me revinrent succintement, comme dans un rêve.

Le bruit des sabots des chevaux sur le sol... La pluie battante... La mer tumultueuse... Les éclairs... Du feu... Des explosions... De la fumée, partout... Des titans... Leurs faces cauchemardesques... Du sang... Du désespoir... Le chaos... De la colère... Et puis... Eren.

Je commençai à paniquer. Ou était-il passé ? Je fis un effort pour regarder autour de moi. J'étais assise, le dos collé à une barre horizontale en fer. Il m'était presque impossible de bouger tellement la douleur était intense. Mon corps brûlait partout, j'avais certainement été sérieusement blessée dans la bataille, et par ces hommes... ces ennemis n'avaient aucun scrupule.

Luttant contre la douleur pour ne pas m'évanouir, je tentais à de me relever. Je retombai bien vite au sol. Aïe... Mes mains étaient attachées étroitement derrière mon dos. Les lourdes chaînes me tailladaient les poignets et m'empêchaient de me mouvoir. Le tissu étroitement serré dans ma bouche m'empêchait de parler, et me rendait la respiration difficile. Je ne pouvais que rester au sol et observer les alentours. La pièce était sombre, le sol était froid et métallique. La seule source de lumière était une aération grillagée située en hauteur, qui n'apportait que peu de lumière du fait du temps très nuageux. Je ne voyais pas plus loin qu'à quelques mètres de moi, le reste étant plongé dans la pénombre. Presque aucun bruit, excepté celui de la mer, tel un murmure constant et atone. A vrai dire, sa monotonie me semblait désormais inquiétante. Elle me donnait une sensation de vide et de solitude...

Je tentai de retirer mon bâillon, mais il était trop serré... À tel point qu'il me faisait mal. Impossible de bouger mes mains pour le retirer. Je regardai autour de moi en cherchant n'importe quel objet pouvant m'aider. Je finis par voir une vis rouillée dépassant de la barre métallique contre laquelle j'étais adossée. En me contorsionnant, je finis par atteindre la pointe en métal. En la frottant contre mon bâillon pendant plusieurs longues minutes, je finis par faire une déchirure dans le tissu sale. Je tirai dessus un grand coup et le bâillon s'arracha complètement, et tomba au sol. Je pouvais enfin respirer librement... Je repris mon souffle.

"Eren?" appelai-je.

Pas de réponse.

L'écho sur les murs métalliques ne me sembla pas très lointain. Je devais me trouver dans une petite pièce... Peut-être une cale de navire. C'est vrai... Il en restait toujours un. Mais alors... Cela voulait-il dire que... Les Mahrs étaient-ils en train de retourner chez eux? Étions nous en train de quitter l'île? Je réfléchis à toute vitesse. Non, impossible. Si le bateau se déplaçait réellement, il aurait dû émettre un bruit... Le moteur capable de mouvoir une telle masse de fer était forcément une machine bruyante... Et j'aurai dû ressentir un mouvement du sol... J'entendais des oiseaux piailler à l'extérieur. Ça devait sûrement signifier que nous nous trouvions près d'un rivage... Enfin je crois. Rien n'était clair dans ma tête... Je détestais​ ne pas savoir. Être dans l'incapacité d'agir me frustrait au plus au point. Je ne pouvais même pas me retourner... Si ça se trouve, Eren se trouvait juste derrière moi, et je ne pouvais même pas me tourner pour regarder...