Chapitre XX : Peur

1.2K 58 25
                                    

Musique :進撃 St20130629 巨人

Par Hiroyuki Sawano

Affairés aux derniers préparatifs sur leur armement, les soldats enchaînaient les mouvements mécaniquement. Ce manège machinal était devenu une symphonie assourdissante, résonnant tout autour de moi. Bruits de cliquetis métalliques de chargeurs armant les fusils. Bruits de l'acier qui tintait en remplissant les cartouchières. Bruits de lames se glissant en chuintant dans le cuir. La machine de guerre se mettait en branle.

Aucun geste erratique, seulement une chorégraphie sinistre, réglée au millimètre près par des années d'expérience et de standardisation militaire doctrinaire. À la guerre, les hommes devenaient des machines. Les machines ne faisaient pas de faux mouvement, pas d'erreur. Elles n'avaient pas non plus de sentiments. Elles étaient facilement corrompues par des idées qui les soumettaient et les asservissaient. Elles n'avaient pas d'états d'âme. Les êtres humains à qui elles donnaient la mort n'étaient rien pour elles. Et elles ne reculaient pas face au péril, ne ressentaient pas de peur...

Puis, cette cacophonie silencieuse laissa place à un profond malaise. Les masques stoïques frémissaient. Une larme fautive parvint à se glisser à travers un visage de fer, témoin discret du véritable sentiment général des troupes. Les hommes ne devenaient jamais complètement des machines... Ils avaient peur. Ces visages qui s'efforçaient tant bien que mal de garder une expression imperturbable m'étaient familier. Je voyais constamment la même chose chez mes camarades, et aussi bien trop souvent lorsque je m'observais dans une glace. Chacun cachait ses émotions plus ou moins bien, mais là réalité restait la même. Ils savaient que dans quelques minutes, ils devraient survivre par eux-mêmes, seuls, et que la mort, dissimulée, pourrait leur sauter dessus à chacun de leur pas. Leur pire cauchemar, un homme-titan, était là, quelque part, camouflé, et chacun de ces hommes, priait pour ne pas être celui qui aurait à lui faire face.

Viktor fit un signe de la tête. Ses troupes se retournèrent et marchèrent en rythme, sans se retourner. Suivant les directives, ils s'éloignaient du groupe central, se dispersant dans chaque direction, livrés à leurs pensées et à leur propre solitude. Ne restaient plus autour de moi que quelques hommes, immobiles. Les heureux élus, semblait-il...

« Bien... marmonna Viktor en regardant les silhouettes s'éloigner. Voilà qui est fait... On va pouvoir se mettre en route. Mais avant cela... »

Il marqua une pause, et tourna la tête vers moi, très lentement, me sortant de mon état de simple observatrice de l'action par un regard glaçant. Il esquissa un sourire faussement bienveillant et marcha tranquillement dans ma direction.

« ... j'ai une petite promesse à tenir, acheva-t-il. Je t'avais dit qu'on en avait pas fini, pas vrai ?... Eh bien voilà. J'ai une proposition à te faire. Rien de plus honnête. Karl, dis-lui. »

En même temps, il dénoua mon bâillon. Je fis jouer ma mâchoire endolorie. Karl s'approcha tout près de moi et parla à voix basse :
« Tout l'équipage que tu as vu, mes compagnons... Nous avons un seul but : rentrer chez nous. Nous voulons revoir nos familles, nos enfants... Ce serait juste, n'est-ce pas ? Qui pourrait prétendre avoir le droit de nous en empêcher ? »

Il marqua une pause. J'étais déconcertée par ce changement de discours. Essayait-il vraiment de m'attendrir et de gagner ma pitié ? Se substituer à Viktor pour m'interroger ne changerait rien. Je n'avais pas de pitié à donner, et encore moins à un ennemi qui me voue une telle haine et la déverse sur moi de toutes les manières possibles. J'étais tout de même curieuse de ce que pouvait être leur "proposition".

Un amour à contretemps - EremikaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant