Chapitre XXV : Tempête

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C'était là. La piste lumineuse ne menait pas plus loin. Un dernier éclat m'appelait discrètement, quelques mètres devant moi... Il émettait une lueur diffuse, enfoui dans l'herbe haute des plaines plongées dans une obscurité presque totale. Le ciel était en effet d'un noir d'encre, opaque, sans lune, seulement illuminé par les minuscules étoiles scintillantes qui le parsemaient. Je restais immobile, aux aguets. J'observai les alentours, yeux et oreilles grands ouverts. L'endroit était désert. Seule se dressait plus loin devant moi la silhouette inquiétante d'une petite forêt, dense et sombre.

Il n'y avait aucun doute. Si le groupe Mahr se trouvait toujours ici, ils ne pouvaient qu'être dans cette forêt. Je ne savais rien de ce qui m'y attendais, mais j'étais sûr d'une chose : si je voulais retrouver Mikasa, je devrais m'y aventurer. À cette pensée, je serrai dans mes poings la bandoulière du fusil et le manche du couteau que j'avais tous deux gardés avec moi.

Je levai mon visage au ciel, fermai les yeux, puis pris une grande inspiration, m'imprégnant de l'atmosphère menaçante de la nuit.

Le vent soufflait de plus en plus fort, faisant bruisser avec fracas les quelques feuilles des arbres qui ployaient sous les rafales.

L'air devenait lourd, pesant, comme un augure funeste.

Au loin, le tonnerre grondait sourdement.

L'orage approchait...

Je rouvris les yeux, regardant droit devant moi. Le vent s'abattait sur mon visage, ébouriffant mes cheveux. Ma cape et mon écharpe volaient au vent en claquant derrière moi. J'étais galvanisé.

D'un mouvement souple, je glissai entre les brins d'herbe en direction de la forêt, gardant les genoux fléchis, tapi dans la végétation comme un prédateur traquant sa proie. J'empoignai mon couteau, prêt à frapper le premier ennemi venu. Je gardais la main posé sur la lanière du fusil que je portais toujours en bandoulière, envisageant déjà l'éventualité de devoir utiliser une arme moins discrète. Je me faisais peu d'illusions sur ce qui m'attendait probablement dans cette forêt. Je ne savais pas si j'aurais la force d'affronter ce péril. Peut-être même m'apprêtais-je à me jeter dans la gueule du loup. Mais, plus que jamais, j'étais prêt. J'étais submergé par une vague de courage et de détermination. L'adrénaline coulait dans mes veines et mon cœur battait à tout rompre.

Soudain, au milieu des sifflements du vent, j'entendis les hautes herbes frémir non loin de moi, comme écartées par le passage d'un animal... ou d'un homme ? Je me figeai, l'oreille tendus et les muscles crispés. J'évaluai l'origine du bruit à quelques mètres à peine à ma gauche. Le plus lentement possible, je me redressai sans un bruit, juste assez pour regarder au-dessus de la végétation. Immédiatement, je distinguai dans l'obscurité une haute silhouette humaine, me tournant le dos. Je baissai aussitôt la tête, craignant de me faire repérer. Je n'étais pas seul. Merde... Pénétrer dans la forêt sans me faire remarquer ne serait peut-être pas aussi simple que je ne l'imaginais... J'entendis la silhouette noire se rapprocher de moi, pas à pas. Je pris ma décision en une fraction de seconde. Je bondis hors de l'herbe et fondis sur l'homme avant de l'écraser au sol. Une seconde plus tard, ses derniers cris s'étouffaient dans ma main plaquée sur sa bouche tandis que le sang jaillissait de sa carotide béante.

Après quelques secondes qui parurent une éternité, je me redressai légèrement, laissant le corps désormais sans vie au sol. Je jetai à nouveau un œil par-dessus les herbes balayées par le vent, en panique. Si jamais on m'avait vu, je n'aurais que peu de chances de m'en sortir. Je plissai les paupières, tentant de discerner quelque chose dans l'obscurité opaque. Soudain, la foudre tomba et déchira l'horizon, illuminant les plaines pendant une fraction de seconde. Je me crispai alors ; se découpant sur le ciel éclairé par la foudre, des dizaines d'autres silhouettes sombres se dressait autour de la forêt comme un rempart inévitable. Ils s'attendaient à ma venue. Je compris que ce n'était qu'une question de temps avant qu'ils ne découvrent la disparition d'un des leurs. Il était désormais trop tard pour reculer, pour réfléchir. Je devais me frayer un passage vers la forêt. J'attrapai mon fusil avec ma deuxième main, dégoulinante de sang. Je préfèrerais ne pas avoir à m'en servir, mais je n'espérais plus vraiment pénétrer dans le bois incognito.

Un amour à contretemps - EremikaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant