Chapitre XXIII : Inhumain

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D'un simple coup d'œil, la profondeur de la tranchée creusée par la coque du navire Mahr laissait imaginer la taille impressionnante du vaisseau, et la force inconcevable nécessaire pour déplacer une telle charge. Nous la longions de très près, et je devinai que c'était probablement le seul point de repère des soldats dans ce terrain inconnu, et qu'ils craignaient de perdre de vue leur précieux fil d'Ariane. De fait, plus nous nous aventurions au cœur des terres, plus ceux-ci semblaient nerveux et sur leurs gardes. Pour ma part, je savais que chaque pas nous rapprochait un peu plus de l'avant-poste du bataillon d'exploration, et cela ne faisait que grandir mon appréhension. Je pensai à ce qu'il se passerait une fois arrivés là-bas. Viktor semblait avoir une idée très précise derrière la tête... Et cela le rendait tellement confiant qu'il pensait pouvoir confronter Eren, et même le capturer.

Au fur et à mesure, le soleil se rapprochait de l'horizon, et avec lui, la luminosité déclinait. Le froid était une douleur supportable, mais je sentais sa morsure devenir de plus en plus désagréable. La nuit n'allait pas tarder à tomber, et la fatigue générale grandissante se faisait ressentir. Cela n'avait rien d'étonnant... Au vu de la charge que chacun des hommes portait sur le dos et des kilomètres que nous avions déjà parcourus, il était déjà surprenant qu'ils tiennent encore debout. Ils ne pourraient pas continuer sur ce rythme bien longtemps...

Enfin, alors qu'il devenait de plus en plus difficile de distinguer les obstacles dans l'obscurité, nous fîmes halte. Nous nous trouvions près de la lisière d'une petite forêt à la végétation dense.

Karl prit la parole :
« Nous allons passer la nuit ici. Nous ne nous attarderons que quelques heures pour prendre le repos nécessaire. Demain, nous repartirons pour arriver le plus vite possible à destination.
- Quoi ?! Pourquoi s'arrêter maintenant ? protesta Viktor, n'étant visiblement pas à l'origine de cette décision. Non, il faut absolument continuer, je suis sûr qu'on a presque atteint l'objectif ! C'est beaucoup trop dangereux de s'attarder maintenant... Tu te rends pas compte du danger que ça représente ? Tu veux qu'on se fasse rattraper et éventrer pendant la nuit ?!
- Regarde tes hommes, Viktor, répondit Karl en haussant les épaules. Ils tiennent à peine debout... Ils sont juste morts de fatigue, et nous aussi.
- Il faut tenir bon, répliqua-t-il. C'est pas le moment de baisser les bras. On a une chance de s'en sortir, il ne faut pas la gâcher ! L'ennemi ne prendra aucun repos, lui, tu peux en être certain. Il nous pourchassera sans relâche.
- Peut-être bien. Mais ce n'est pas notre cas. Il y a un moment où il faut savoir s'arrêter. Si on ne s'arrête pas maintenant, il faudra bien le faire plus tard. On ne peut pas marcher indéfiniment en restant apte à combattre à tout moment, et cela sans jamais prendre de repos. Réfléchis... C'est le meilleur moment pour reprendre des forces. »

Il porta ses jumelles à ses yeux et observa l'horizon du côté duquel nous étions arrivés.

« Heureusement, on a une bonne avance sur lui, continua-t-il. Je pense qu'il est encore bien loin à l'heure qu'il est... Il peut toujours chercher, il ne peut pas savoir où nous nous trouvons. C'est un avantage primordial. On a le temps de reprendre des forces avant de se confronter directement à lui, et il ne pourra pas nous trouver dans cette forêt. T'inquiètes pas. La prochaine fois que nous le verrons, il n'aura aucune chance. »

Viktor pinça les lèvres. Cette idée ne lui plaisait clairement pas, mais il semblait n'avoir d'autre choix que d'admettre que Karl avait raison.

« Je suggère d'y rentrer dès maintenant, continua Karl. Cette nuit sera certainement notre dernier moment de calme avant la tempête.
- ... Très bien. J'espère que tu sais ce que tu fais, se résigna Viktor. Mais... J'ai un mauvais pressentiment. »

Un amour à contretemps - EremikaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant