Chapitre XVII : Rouge

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Musique: Call of Silence

Des larmes coulèrent sur mes joues. Je ne les retins pas. Trop de tristesse s'était accumulée en moi pour que le barrage d'insensibilité que j'avais construit dans mon cœur résiste à cette inondation. Je pensais que je pourrais devenir assez fort pour surpasser mes douleurs et mes peurs, pour que ma détermination sans faille soit plus qu'une simple façade cachant mes doutes, mon manque de confiance en moi... Mais à force d'intérioriser, le barrage était en train de céder. Comme si cette nuit sanglante avait été la goutte faisant déborder ma capacité émotionnelle.

Malgré le stoïcisme que j'avais essayé d'afficher devant mes compagnons, j'étais déjà à la limite de ce que je pouvais supporter. Je me demandais combien avait vu à travers ma barrière psychologique. Qui connaissait assez mon cœur pour avoir vu en moi le profond désespoir qui l'habitait en réalité ? Certainement pas tous. Peut-être personne.

Trop. Trop de morts. Trop de sang versé. Trop de souffrances. Trop de violence. Trop de guerre.

Je regardai mes mains fébriles. Même dans l'obscurité nocturne, elle étaient rouges, rouges de la plus indélébile des encres : celle de la culpabilité.

Sept amas épars, immobiles, froids, rouges de sang, déchiquetés. Voilà tout ce qu'il restait de sept vies humaines. Sept vies, avec leurs émotions, leurs rêves et leurs pensées. Réduites à néant. À cause de moi. Ces hommes, je les avais massacrés de mes propres mains. Et ce n'étaient pas les seuls. Tous ces navires que j'avais détruit... dont j'avais éradiqué l'équipage... Peut-être le massacre était-il plus facile à travers des yeux de Titan. Et tout ça pour quoi ? Pour la bonne cause ?... Ces hommes n'étaient pas des meurtriers, ni des criminels. Ils avaient chacun leur vie, leur famille, leur sentiments. La guerre était leur devoir, par leur combat. Moi qui pensais que le prix à payer pour la liberté pouvait difficilement s'alourdir... Est-ce que tout cela valait vraiment cette tuerie collective ? Je ne savais plus vraiment.

Mes mains tremblaient. Pas seulement à cause du froid glacial. En fait... J'étais terrifié. J'avais peur de moi-même, de ce que je venais de faire, de ma propre cruauté... Est-ce que j'avais vraiment fait ça ?... Merde... Ce n'étaient plus des Titans sans conscience que je combattais désormais. Mes ennemis étaient aussi humains que moi. Peut-être qu'à force de combattre à contrecœur, je finirais par ne plus en avoir. Peut-être que je n'étais finalement pas aussi loin d'être un monstre que je ne le pensais... Moi, tuer des humains, innocents... D'autres hommes... Avais-je changé à ce point-là ?...

Je connaissais déjà la réponse. Oui. J'avais changé. Beaucoup. L'ancien Eren avait presque disparu... L'ancien Eren ne serait probablement jamais posé ce genre de questions sur lui-même... Mais certaines choses n'avaient pas changé. Au fond de moi, ma plus grande faiblesse persistait : mes doutes. Alors que mon passé avait été une quête acharnée et illusoire de force, aujourd'hui j'avais l'impression que même ma détermination faillait.

Je me sentais si seul... Je ne savais même plus quoi faire.

J'avais besoin désespérément besoin d'aide. Une épaule sur laquelle pleurer, une aide, un soutien. Mais ici, j'étais seul. À ce moment, quelque chose attira mon regard. Au loin, une forme indistincte ondulait lentement au sommet d'un arbre. Je fronçai les sourcils. Cela m'intriguait étrangement, comme si il y avait quelque chose de familier dans cette ombre nocturne que je ne pouvais identifier.

Perché à sa cime, la forme bougeait sans cesse, voletant au vent, se secouant comme si elle m'appelait...

Un rayon de lune perçant les nuages éclaira alors ce qui m'intriguait. Je vis alors que cette forme, s'agitant au milieu des arbres était... Rouge.

Un amour à contretemps - EremikaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant