II. Merlan

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Une fois ma décision arrêtée, je ferme les yeux et ne me réveille que le lendemain matin.  Jenna est déjà à son poste, prête à me pouponner.

Je porte une robe simple, cintrée sous la poitrine, bleu roi, et mes cheveux sont lâchés autour de moi telle une cascade de feu.  Je rejoins mes parents, et ensemble nous nous dirigeons vers le Manoir, où je vais donner ma réponse.

- Tu as pris une décision ? me demande ma mère.

- Oui.

- On peut la connaître ?  poursuit mon père.

- Je préfère en parler quand nous serons avec mon oncle, comme ça, je n'aurai pas à expliquer mon choix deux fois, si cela ne vous dérange pas.

Je vois bien que ça les dérange.  Si je leur dis maintenant que c'est oui, ils passeront le court temps du trajet à essayer de me convaincre de renoncer.  Ils ont peur pour moi, c'est normal et compréhensible, mais mon choix est fait, je ne veux pas revenir en arrière.

Une fois installés à la table du petit-déjeuner, mon oncle arrive.  Il est seul.  Il s'en excuse et nous dit qu'Hélène est souffrante, qu'elle ne pourra pas se joindre à nous.  Je hausse les épaules.  C'est une idée de mon oncle de toute façon, c'est lui qui tire les ficelles.  Même si on comprend aisément que cette femme est prête à beaucoup de choses pour arriver à ses fins, elle a quand même une limite, et cette limite, c'est sa fille.  Je lui fais penser à elle, et elle ne veut pas me voir.  Je ne peux pas le lui reprocher.

- As-tu pris ta décision ? me demande-t-il en s'installant.

Je suis occupée de mordre dans ma tartine beurrée, aussi je mâche le plus vite possible afin de lui répondre.  Le bout de pain que je viens de manger pèse une tonne dans mon estomac tout à coup, et mes lèvres s'assèchent.

- Oui, j'ai arrêté mon choix.  Je le ferai !

Je jette un coup d'œil à mes parents.  Ils ont l'air... déçu.  Cela me fait un choc.  Je pensais vraiment leur faire plaisir.  Mon oncle, de son côté, rayonne littéralement.

- Peux-tu nous garantir qu'il ne lui arrivera rien ?  Tu as perdu ta fille, et c'est une tragédie, mais je n'ai pas envie de perdre la mienne pour tes manigances.

- Allons, mon frère, tant qu'elle s'en tiendra au plan, elle ne risque rien.  Je te rappelle que Sire Kilos est parfaitement au courant de ses origines, mais quand elle fera son entrée à Merlan, elle ne sera plus une Lys, mais une Élue.  Toutefois, comme je le lui ai déjà dit, il ne faudra jamais qu'elle révèle à quiconque ses origines de Gradés.

- Mais je suis une Gradée !  Mes manières sont...

- Non, me coupe-t-il.  Tu as accepté, maintenant, il te faut assumer, mais je ne me fais pas de soucis pour toi.  Tu as travaillé pour les Élus toute ta vie, tu sais comment ils se comportent, tu m'en as fait une démonstration magnifique hier.  Je t'ai préparé les mémoires familiales, il faudra que tu les apprennes avant de te rendre à Merlan.  Tu as un peu plus d'une semaine pour le faire.  Si on te pose des questions sur notre famille et que tu es incapable d'y répondre, ça sera une catastrophe.  Je t'apprendrai également quelques petites choses.  On se donnera rendez-vous tous les matins après le petit-déjeuner.

- Êtes-vous sûr de vos Lys, Sire Henry ?  N'y a-t-il aucun risque que l'un d'eux dénonce Alia ?

- J'en suis certain, Dame Loïce, et de toute façon, personne ne croirait un Lys.  Sachez que nous sommes une famille importante, et personne n'oserait mettre en doute ma parole face à un misérable Gradé.

Il ne se rend même pas compte qu'il vient de nous insulter tous les trois avec à peine deux mots : « misérable Gradé », c'est ce que nous sommes pour lui.  Je ne fais toutefois aucune remarque, je garde ça pour le moment opportun, s'il vient un jour.  J'ai le pouvoir dans cette situation, même si mon oncle tend à l'oublier.

Lys (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant