XIV. Eric

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Je sèche le repas et vais me réfugier dans ma chambre. Jenna n'est pas là, et c'est tant mieux. J'ai besoin d'être seule. Mon comportement n'est pas digne, mais je ne peux pas revenir en arrière. En y réfléchissant, je ne sais pas à qui j'en veux le plus. À Éric, qui batifole d'une fille à l'autre tout en disant à son frère qu'il m'aime ? A John, qui m'a embrassé et fait des promesses qu'il n'est pas sûr de pouvoir tenir ? Ou à moi qui joue à un jeu dangereux entre deux frères sans pouvoir me décider sur lequel je veux ?

J'ai désespérément besoin de parler à ma mère, mais je ne peux pas. J'ai besoin de me confier à quelqu'un, mais la seule personne à qui je peux parler, c'est Jenna, et même si je l'aime énormément, elle ne m'apportera aucune réponse.

Je ne peux pas rester dans ma chambre, j'ai besoin de marcher, aussi je déambule dans les couloirs, évitant soigneusement les endroits fréquentés. Je ne veux croiser personne surtout, je n'ai pas envie de devoir expliquer ce que je fais dans les couloirs du château, ou pourquoi je ne me suis pas présentée à la salle à manger.

Je réfléchis à tout ça. Nous pouvons partir quand nous le voulons, nous sommes des invitées, pas des prisonnières, et Sandra est partie de son plein gré. Je pourrais partir, je devrais partir, même, mais il faut que j'en parle à John avant. Si je quitte Merlan, j'imagine que John pourra me courtiser, et que nous pourrons être ensemble sans encombre, mais est-ce vraiment ce qu'il veut ? Ou ce que moi, je veux ? Je ne sais plus où j'en suis entre Éric et John car je les aime tous les deux à ma façon, même si Éric a un talent certain pour me mettre en colère et pour faire tout ce qu'il peut pour me forcer à me détourner de lui.

Je ne sais pas depuis combien de temps je déambule sans but dans les couloirs quand je tombe sur deux Aigles.

— Mademoiselle Alia, me dit le plus grand avec un soulagement évident. Nous vous cherchons depuis deux bonnes heures.

— Ah bon ? Que se passe-t-il ? Quelque chose de grave ? m'inquiété-je.

— Non, Mademoiselle, me répond l'autre, mais nous avons reçu l'ordre de Sire Éric de vous amener auprès de lui.

L'ordre de m'amener auprès de lui ? Pense-t-il donc que je suis un chien qui répondra au moindre appel de sa part ?

— Eh bien, vous pouvez dire à Sire Éric que je n'ai aucun désir de le voir pour le moment et que...

— Et que quoi, Mademoiselle Alia ?

Éric se tient juste derrière moi. Je me retourne pour l'affronter, et je le vois faire signe aux deux Aigles de s'en aller. Il a l'air furieux. Tant mieux, parce que je le suis aussi.

— Et que je ne suis pas votre chose, que vous appelez quand bon vous semble pour la négliger l'instant d'après.

— Je sais que vous n'êtes pas ma chose, Alia. Vous trouvez que je vous néglige ?

— Oh, je vous en prie, ne prenez pas cet air-là avec moi. Vous vous jouez de moi constamment, et cela commence sérieusement à me fatiguer.

— C'est vous qui me fatiguez ! s'emporte-t-il. J'essaye toujours de passer le plus de temps possible en votre compagnie au détriment des autres, mais vous ne trouvez pas cela suffisant.

Le bruit d'une porte qui claque me stoppe net dans mon élan car je ne veux pas que quiconque soit témoin de notre dispute. Alors, à la place de lui répondre, je tourne les talons et m'éloigne mais il me rattrape un peu plus loin.

— Il faut que nous parlions, Alia, maintenant ! S'il-vous-plait, ajoute-t-il plus doucement devant mon air buté en pointant une porte du bras.

Je me résigne à l'écouter et entre dans la pièce qu'il me montre.

Lys (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant