XXI. L'après

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Des Lys vinrent effectivement nous chercher et nous conduire vers l'aile nord du Palais, sous bonne garde de six Aigles. Je ne regarde plus autour de moi, je ne veux plus voir les merveilles de ce Palais car j'en ai vu les pires horreurs. Rien, jamais, ne pourra me faire oublier ça.

John et Éric n'ont pas pu voir leur père ni même s'approcher de la dépouille de leur mère. Je vois qu'ils bouillonnent de rage, mais surtout de chagrin, et je ne peux rien faire pour les aider.

Tous, nous avançons comme dans un rêve, enfin, un cauchemar plutôt. Nous sommes groggy, choqués. Je ne comprends pas vraiment ce qu'il vient de se passer, et je ne veux pas vraiment comprendre.

Elise voulait venir avec nous, mais le Roi l'a faite appeler et elle est partie, la mine défaite.

Les Lys et les Aigles nous guident vers un couloir sans issue. Il y a dix Aigles autour de nous pour nous surveiller, deux restent derrière la porte, deux autres devant, et la porte est fermée à clé. Les six qui restent s'éparpillent dans le couloir.

Les trois Lys en notre compagnie nous demandent de choisir des chambres comme si de rien n'était. Evidemment, nous n'avons aucune envie de nous séparer, et personne ne protesta quand nous nous engouffrons tous ensemble dans la chambre la plus éloignée des Aigles en faction. Les Lys veulent entrer, mais nous leur fermons la porte au nez.

Carine est la première à s'effondrer. Elle est la plus fragile de nous. Marina et Brigitte sanglotent silencieusement tandis que John s'affale sur une chaise. Éric commence à donner des coups de poings dans le mur et je me dirige vers lui. Doucement, je lui attrape les poignets et le tourne vers moi.

Il me regarde dans les yeux. Ils sont embués, mais les larmes ne coulent pas encore. Je commence à prendre la pleine mesure de ce que le Roi a dit à mon encontre, et je ne doute pas vraiment qu'il trouve ce qu'il cherche.

Éric dégage une main, doucement, de mon étreinte et vient me frotter tendrement la joue.

— Je vous protègerai de ce fou-furieux, me dit-il.

— Chut, lui chuchoté-je. Ne dites rien qu'il pourrait utiliser contre vous. Nous ne savons rien de cet endroit et sans doute sommes-nous sur écoute.

— Elle a raison, répond de la même manière John en attrapant du papier et un stylo.

Il écrit à une vitesse folle et je me félicite de m'être autant entrainée à l'écriture. Certes, ce n'est pas parfait, mais qu'importe, au moins maintenant je sais écrire et je peux participer à la conversation silencieuse qui se prépare.

« Nous allons nous venger, mon frère ! Ce crime ne restera pas impuni, je te le promets. »

Éric hoche la tête. Je prends le stylo et me met moi aussi à écrire — maladroitement — mais j'espérais qu'il n'y ferait pas trop attention, mettant cela sur le compte du stress et de ma (fausse) foulure récente au poignet : « Je suis certaine qu'il y a des gens ici qui seront prêts à nous aider. Elise, entre autre... » ce à quoi John me répond : « Pouvons-nous vraiment lui faire confiance ? »

Bonne question. Je n'en sais rien, mais alors nous ne pouvons faire confiance à personne. Nous sommes prisonniers de ce Palais à l'aspect magnifique mais qui représente l'enfer. John secoue la tête et allume une bougie. Il s'apprête à faire bruler le petit papier, mais j'écris vite quelque chose : « je suis tellement désolée pour votre mère. Tout cela est de ma faute, jamais vous ne pourrez me pardonner, mais sachez que jamais je ne pourrai me pardonner non plus. Si ma mort peut vous faire tous sortir d'ici, je donnerai ma vie sans la moindre hésitation. »

C'est parfaitement sincère, mais tant John qu'Éric, en lisant ces mots, m'enlacent en me chuchotant à l'oreille que ce n'est pas de ma faute et que je ne dois surtout pas m'en vouloir, que je n'ai rien fait de mal.

Lys (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant