XXII. Le repas

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A dix-huit heures, les Lys que nous avions mis à la porte quelques heures plus tôt vinrent nous chercher. Nous nous sommes tous mis d'accord pour suivre les instructions de Clarysse à la lettre, même si nous savons d'avance que nous allons avoir du mal.

On nous conduit dans une petite salle à manger à l'étage inférieur. Le Roi et sa famille sont déjà installés.

— Mes amis, nous dit-il, entrez donc, installez-vous confortablement. Nous allons manger tout de suite, comme je sais que vous n'avez rien avalé depuis ce matin, vous devez avoir faim.

Personne ne pipe mot. Il se comporte comme si rien ne s'était passé. Cela confirme ce que nous pensons tous : le Roi est devenu fou !

Nous mangeons en silence mais je ne savoure rien de ces mets qui doivent sans doute être délicieux car j'ai un goût de cendre dans la bouche et l'estomac en vrac. Je n'ai aucun appétit, et à l'allure où se vident les assiettes de mes voisins, je devine qu'eux non plus.

Finalement, le Roi reprend la parole.

— Je suis heureux de vous voir tous calmé. L'incident de ce matin était terrible, mais nécessaire. Je ne peux supporter aucun traître, même quand il s'agit de ma famille. Je suis certain que vous tous ici présent comprenez cela, car vous êtes fidèles à votre pays, n'est-ce pas ?

Il y a quelques grognements d'acquiescement, certes faux, mais le Roi veut juste nous entendre approuver ses paroles, qu'importe si nous le croyons ou non.

— Malheureusement, poursuit-il, je crains de devoir encore faire quelques enquêtes pour m'assurer de la loyauté de chacun ici. J'ai déjà commencé, à dire vrai. Cet après-midi, Georges et moi avons mis à profit nos talents pour interroger une jeune Lys qui, si elle n'a encore rien dit jusqu'à présent, ne tardera pas à parler, j'en suis sûr.

— Père, laissez-moi la lui montrer, faites-moi ce plaisir. Laissez-moi l'amener ici !

— Non ! La Lys ne quittera pas sa cellule, mais je t'accorde le privilège d'escorter Mademoiselle Alia jusqu'à elle.

Le Roi a un sourire carnassier, et son fils arbore le même, ce qui me glaçe de terreur. La Lys dont ils parlent ne peut être que Jenna.

— Alia, ça va ? me demande Brigitte qui est à côté de moi en me prenant la main et en la serrant.

Je secoue négativement la tête, mais déjà, Georges s'avance vers moi.

— Faites-moi la grâce de m'accompagner, Mademoiselle Alia, allons voir le merveilleux travail que j'ai accompli sur votre Lys, avec l'aide précieuse de mon père, naturellement.

— Vous me donnez envie de vomir, dis-je doucement en me levant.

Il rit aux éclats et m'attrape le bras. John se lève, mais Georges le retient d'un bras puissant.

— Inutile de vous déranger, mon cousin, votre présence n'est nullement requise.

— Vous ne pensez pas que je vais la laisser partir seule avec vous ?

— Ca va aller, John, lui dis-je avec un regard appuyé pour lui rappeler les paroles de Clarysse.

Il fait un imperceptible mouvement de tête, et je vois du coin de l'œil qu'Éric aussi est prêt à se lever pour moi. Cependant, ils comprennent tous les deux que ce n'est pas une bonne idée, et ils me laissent partir avec leur cousin. Ça leur en coûte de le faire, et ça m'en coûte encore plus de partir sans eux.

Un Aigle nous accompagne, et tout le long du chemin, le Prince n'arrête pas de parler. Je ne l'écoute qu'à moitié, jusqu'à ce qu'il dise en riant :

Lys (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant