Lys (Terminée)

XVIII. La fiancée

Enfin, la salle commence à se vider. Fort heureusement, le château est grand et pourvu de beaucoup de chambres car la plupart des invités restent pour la nuit. Certains sont logés au même étage que nous, mais la plupart se voient attribuer une chambre au troisième — hormis la famille royale qui a une suite au premier.

Je rejoins ma chambre en compagnie de Carine et Brigitte. Marina a disparue quelques instants plus tôt, nous disant de ne pas l'attendre. Je souhaite une bonne nuit aux filles et ouvre ma porte.

John est déjà là. Je referme derrière moi et reste là, à le regarder, ne sachant que faire. Il fait la distance qui nous sépare en quatre grandes enjambées et m'embrasse furieusement. Je lui rends son baiser et son étreinte, heureuse de le tenir contre moi, mais trop vite, il s'éloigne.

— Je ne peux pas faire ça !

— Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? John, tu es étrange depuis ton retour du palais.

— Je sais... je suis tellement désolé. Je... je ne vois pas de bonne façon de t'annoncer ça, bégaye-t-il.

— M'annoncer quoi ? Sois clair, pour l'amour du ciel, tu me rends folle !

— Le Roi veut que j'épouse Elise, nous sommes officieusement fiancés.

Le choc ! Incrédule, je le regarde, me demandant si je dois rire ou pleurer. Je reste sans voix.

— Mais pourquoi ? finis-je par murmurer.

— Si je le savais. Personne ne peut prédire les réactions du Roi.

Je sens les larmes me bruler les yeux, mais je ne veux pas pleurer. Il y a forcément une solution. Il doit y avoir une solution. Maintenant que je me sais privée de John, mon cœur me hurle que c'est lui que je veux. La partie encore objective de mon cerveau se rend compte que c'est une réaction capricieuse, mais mon cœur n'en a cure.

— Il y a encore un espoir toutefois. Ma mère et mon père sont au courant de la situation, et ils pensent réussir à convaincre le Roi de te laisser une chance auprès de moi si, de mon côté, j'en laisse une à Mademoiselle Emtac.

— Oh, si seulement ils pouvaient le convaincre...

— Oui, mais en attendant, je suis officiellement son promis, et le fait de me trouver ici avec toi fait déjà de moi un futur mari indigne. Pourtant, je n'ai aucune envie de partir, mais je ne peux pas faire ça à la femme qui deviendra peut-être mon épouse. Je... je veux être avec toi, mais je dois être honnête et fidèle, car c'est ainsi que j'ai toujours considéré les liens du mariage.

Alors que ses mots me blessent, je les comprends parfaitement. C'est ainsi qu'il est : droit et bienveillant. Il ne veut pas faire de mal à sa potentielle future épouse (bon, d'accord, pour l'instant, elle est sa fiancée, mais je refuse de m'y soumettre) et si Dame Catherine et Sire Bernard n'arrivent pas à convaincre le Roi de me laisser ma chance, elle deviendra sa femme avant longtemps.

Quelle injustice alors que nous avions enfin trouvé un compromis qui nous permettait à chacun de trouver notre bonheur... enfin, plus ou moins. La situation aurait été difficile, mais gérable. Il faut vraiment que ses parents y arrivent. Je croise les doigts de toutes mes forces.

— Il faut que je m'en aille maintenant, avant de ne pouvoir m'accrocher plus longtemps à mes principes et de t'éteindre à nouveau.

Je rêve qu'il le fasse, mais je l'aime pour ce qu'il est, et je dois tout faire pour lui faciliter la tâche, même si cela me tue. Je m'écarte de son chemin, sans le toucher, je lui souhaite une bonne nuit.