The Weird Tales of Jack Hillman

2. La barrière des six degrés

Chanson : Gojira - World to come

Je sais que ce style de musique est loin de plaire à tous mais c'est une chanson assez soft et immersive qui correspond bien à ce chapitre. Je ne peux donc que vous recommander de l'écouter ^^ Bonne lecture !

   -   Je suis prêt.

   -   Bien ! Met ce casque !

   Albert me tendit un étrange casque de pilote modifié. On y avait fixé d'étranges lunettes épaisses qui couvraient la moitié du visage et des caches oreille.

   -   Surtout détends-toi au maximum. Reprit Albert.

   Il appuya sur un interrupteur et tira sur un levier. La machine émit un léger vrombissement. Au départ rien ne se passa. Puis les formes et les contours commencèrent à se déformer légèrement. Les couleurs se ternirent dans mon champ de vision et les faibles rayons de lumières traversant les rideaux étaient devenus éblouissants. Un faible rayonnement se mit à émaner du corps d'Albert juste devant moi. Ces rayons étaient loin de la simple lumière blanche ordinaire. C'était une couleur qu'il n'avait jamais vu avant. Comme si son esprit se démenait pour interpréter des données d'un genre inconnu. La lueur surnaturelle et légèrement sinistre offrait un tout nouvel intérêt à l'observation d'une simple fenêtre.

   -   De quoi s'agit-il ? Demandais-je.

   -   Ce que tu vois actuellement sont des infrarouges normalement imperceptibles pour l'homme. Cela prouve que tu es réceptif.

   -   Incroyable.

   -   Ce n'est encore rien. Je t'ai à peine déplacé d'un dixième de degrés. Je vais maintenant monté à cinq dixième.

   J'entendit alors un léger cliquetis sur ma droite puis tout changea de nouveau. Les couleurs habituelles disparurent pour laisser place à des spectres inédits et presque fantomatiques. Des sons étranges parvinrent à mes oreilles. La voix de Albert devint sourde et ses mots de plus en plus difficile à comprendre.

   -   Bien. A partir de maintenant je toucherais ta main droite pour t'annoncer que j'augmente le déplacement et la main gauche pour le diminuer. Nous ne pourrons plus communiquer après le prochain changement.

   Je sentis alors une légère pression sur ma main droite et cette fois les formes s'altérèrent. Je sentis mon estomac se soulever comme si je tombais en chute libre. Mon corps réagissais violemment. A chaque changement un genre de tremblement singulier agitait les ombres et les formes autour de moi. Comme... disons une turbulence. Il m'était devenu très difficile de percevoir la pièce telle qu'elle était autrefois. Les segments devenaient courbes et les angles droits se tordaient dans des positions impossibles. La matière elle-même semblait se distordre. Toute notion de couleur avait disparue car je ne reconnaissais rien des spectres lumineux qui traversaient ma rétine. Puis une nouvelle turbulence me secoua et fît monter un nouveau haut le cœur. La sensation était terrible. J'avais l'impression d'être enfoncé dans mon siège à la manière d'un pilote d'avion effectuant une pirouette. Cette fois les lignes s'entremêlaient. Les lignes directrices n'étaient plus et une nouvelle structure fractale sans consistance apparente se formait sous mes yeux. Bientôt une nouvelle logique opéra et tout changea. Mon regard peinait à se poser sur chaque nouvel élément et je ne pouvais analyser ce que je voyais. Les turbulences s'emballèrent d'un seul coup. Les vibrations s'accélérèrent et je ne sentis plus rien sur mes mains. Plus aucune sensation du monde normal ne me parvenait. Un éclair de lumière brisa l'obscurité un véritable kaléidoscope de couleurs vives brisa toute logique établie. Je ne saurais dire si à cet instant je voyais à plusieurs dizaines de kilomètres ou bien si un filtre était posé devant mes yeux. Les notions de distance n'étaient plus. Le monde normal semblait à des années-lumière de ce lieu infini sans aucune frontière. Je continuais à m'enfoncer dans les tréfonds de la quatrième dimension lorsque soudain je sentis un effroi m'étreindre. Une force inconnue me traîna dans de nouveaux abysses insondables et un voile brumeux masqua toutes les couleurs. Puis de nouvelles formes indistinctes firent leur apparition. Des choses mouvantes dont l'horrible illogisme dépassait l'esprit humain. Ils semblaient matériels mais se traversaient les uns les autres. Ils étaient visibles sans émettre aucune lumière. Tout était sombre et je tuais mon cœur à chaque seconde qui passait pour que ces êtres infâmes ne me voient pas.

   Je percevais quantité d'informations que mon cerveau ne savait interpréter. Des informations relatives à des sens atrophiés ou inexistants qui bourdonnaient dans mon crâne dans une valse de parasites. Un tremblement régulier semblait secouer l'air et les créatures que je soupçonnais être des êtres vivants. Tout n'était que chaos. Puis l'une des choses passa tout près de moi. Je sentis alors tout mon être défaillir. Je savais instinctivement que tout contact avec elle disloquerait mon esprit intangible et me détruirais. Une pression incroyable s'exerçait d'elle-même sur tous mes maigres sens. Je ne pouvais plus distinguer la verticale de l'horizontale. Puis tout s'arrêta brusquement. Mes sensations revinrent progressivement et je sentis mon corps physique être secoué et une faible voix qui me parlais. « Jack ! Jack réveil toi ! La machine s'est emballée ! Tu as été projeté à six degrés d'ici ! » Je compris alors que le plus risqué n'avait jamais été l'allé mais plutôt le retour.