17. Un visage connu

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   Cette vision étrange envahit de nouveau mes pensées. Une petite île de sable blanc dépassant d'un océan d'étoiles et de galaxies à deux faces. Le miroir de l'eau était toujours aussi calme et incroyablement beau. Cette vue me fit frémir. Mes yeux ne pouvaient s'attarder sur aucun détail tant le panorama était époustouflant. Je ne pouvais en aucun cas reconnaître aucune constellation ni même tenter d'observer des fragments de ce ciel sans fin. Et puis il y avait cette silhouette sur l'île. Cette silhouette qui avait quelque chose d'indiciblement féminin et de laquelle émanait une terrible solitude. Qui était-donc cet être ? Je voulais bien entendu le connaître et l'observer plus en avant mais quelque chose m'empêchait de m'approcher. Une étrange sensation de peur quant à un voyage sans retour vers cette île pourtant si proche. J'étais effrayé par le fait de quitter tout ce qui me constituait pour l'atteindre. Bientôt je renonçais à ce monde fantastique pour me replonger dans les méandres des dimensions.


   Cette fois-ci je m'écroulais au sol sans que mes jambes ne puissent stopper ma chute. J'avais atterri sur de la terre. Je m'empressais de regarder autour de moi. Des arbres, un champ au loin. J'étais dans une clairière. Je soufflais un peu en profitant de la sensation de sécurité. Les souvenirs du rêve étrange que j'avais fait pendant ma projection corporelle me trottaient encore dans la tête. Que signifiait tout cela et surtout y avait-il une quelconque cause physiquement réelle à ces visions ? Je ne pouvais m'ôter de l'esprit l'idée que cette île existait quelque part aux confins des dimensions. Puis un souvenir antérieur me revint. Celui de ce complexe militaire inconnu et de cette créature dont j'avais sans aucun doute provoqué l'évasion.

   Les phénomènes que j'observais étaient difficilement explicables mais en cet instant les choses qui me préoccupaient étaient premièrement ma localisation et deuxièmement une fatigue importante qui m'envahissaient de plus en plus. Combien d'heures avais-je passé sans dormir convenablement ? Impossible de le dire. L'opération et les drogues du docteur Clark continuaient à me faire tourner la tête. Je n'étais pas totalement lucide mais je savais qu'il me fallait retrouver la civilisation au plus vite. Trop d'informations et de questions sans réponse étaient entrées dans mon cerveau en une si petite période. Il me faudrait du temps pour assimiler tout cela.

   Je ne sais pas combien de temps je passais à marcher vers le sud en me fiant au soleil et à l'heure approximative, mais si je devais en donner une estimation je dirais au minimum trois ou quatre heures. Il m'aurait fallu une montre et une boussole. Au bout de cette interminable randonnée en chaussures de villes qui portaient encore des traces de reflux gastriques, j'atteignais enfin une route. Une petite route à peine goudronnée mais une route véritable que je prenais comme un cadeau du ciel. Encore une demi-heure et une automobile passa. Je l'arrêtai et son conducteur un certain John Mckinley fort aimable me permit de monter et m'emmena dans la ville la plus proche. On me donna le nom de cette ville et on me donna son emplacement sur une carte. J'avais atterri dans l'état à l'Est du mien. Après moult discussions on me prêta l'usage d'une ligne téléphonique fixe de laquelle je pus joindre Albert en échange de la promesse d'une récompense.

   Après cinq heures d'attente dans la gare la plus proche, mon ami arriva avec de l'argent et de la nourriture. Je le pris dans mes bras heureux de voir enfin un visage connu. Une chose était certaine, j'allais devoir m'excuser auprès de la faculté de Holmes pour ces quelques jours d'absence non justifiée.

The Weird Tales of Jack HillmanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant