33. Ici, maintenant

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Musique : Meshuggah - Break those bones whose sinews gave it motion




   -   Suis-je en vie ?

   -   ...

   -   Ais-je rêvé ?

   -   ...

   -   Tout cela est-il vraiment arrivé ?

   -   Cela est-il vraiment important ?

   -   Je ne vois rien.

   -   Mais si voyons.

   J'aperçus une chambre d'enfant. Au milieu de cette dernière était assise une fillette avec deux couettes. C'était dans la maison. Cette maison. Elle fixais une grande poupée aux yeux de verre et lui parlais.

   -   Raconte-moi une histoire. Dit la fillette. Une histoire que je n'ai jamais entendu.

   -   Tu connais déjà toutes les histoires. Dit une voix d'une provenance incertaine.

   -   Il y a toujours des histoires que l'on ne connait pas. Reprit-elle.

   -   Quelle genre d'histoire veux-tu entendre ?

   -   Celle qui parle d'un garçon sans permission.

   -   Je connais cette histoire. Il voulait voir à quelle point le monde était vaste.

   -   Oui ! Mais il a été un peu trop loin.

   -   Et il s'est perdu.

   -   Les poissons ne devraient pas voler dans le ciel.

   -   Et les nuages ne devraient pas traverser les abysses.

   -   Oui.

   -   Oui.

   -   Et il va se faire gronder ?

   -   Cela dépend de la suite de l'histoire.

   -   C'est vrai. Je m'en rappelle. Cela va bientôt arriver. N'est-ce pas Jack ?

   Tout à coup la fillette me fixa d'un air étrange et la poupée s'anima pour l'imiter. Je n'étais pas dans la pièce. J'assistais à la discussion sans être présent. Mais elles me fixaient. L'image s'estompa et mon corps repris forme en pleine rue. Il y avait du monde. Des piétons. Et je portais mon costume préféré. C'était une belle journée. Que faisais-je là ? Peut-être allais-je travailler ? Non, l'université n'était pas par là. Où avais-je la tête ? Je ne me rappelais pas de ce que je venais faire en ville. Je me mis à marcher en arpentant le trottoir jusqu'à apercevoir un groupe d'enfants figés dans une position étrange. Ils levaient les bras au ciel avec une expression d'extase infinie sur le visage. Ils fixaient une grande télévision sur laquelle défilaient des parasites. Seulement des parasites.

   En observant bien l'écran je cru voir apparaître une forme. Des caractères sur le haut de l'écran. C'était une date et une heure. Mais les emplacements des chiffres étaient vides. Ils n'étaient pas en suspens. J'avais l'étrange impression qu'on y avait délibérément laissé un espace blanc. Je ne pourrais dire pourquoi, mais cette scène m'angoissa au plus haut point. Je me mis à courir sous le regard étonné des passants.

   Des questionnements.

   Où ? Qui ? Quand ?

   Pourquoi je me posais ces questions ? Non, ce n'était pas le problème. Pourquoi n'arrivais-je pas à y répondre ? Où étais-je ? Je connaissais ces rues mais j'étais dans l'incapacité de dire où elles se trouvaient. Il faisait jour, mais je ne me rappelais pas de la date d'aujourd'hui. J'avais une montre, mais j'étais incapable de la lire. J'étais moi, et pourtant qui étais-je ?

   -   Jack ? Par ici ! Me lança une petite voix depuis la devanture d'un café.

   J'entrais sans savoir pourquoi. Personne ne m'avait appelé. Pourtant j'avais entendu quelqu'un. Je cherchais désespérément un sens à cela. Et pourtant à quoi bon ? Qu'est ce qui différenciait le réel de l'imaginaire ? Qu'est ce qui me prouvait que la moindre chose que j'avais perçu depuis ma naissance était réelle ? L'esprit humain était si peu fiable. Je m'assis et une serveuse m'apporta un café. Je saisis la petite tasse et la renversais après m'être brûlé. Le liquide sombre s'étala irrégulièrement sur la table. Puis dans la forme hasardeuse se dessina des symboles qui se muèrent en lettres. « Qui ? ». Je me levais en sursaut de ma table et remarquais qu'il n'y avait absolument plus personne dans le café ou dans la rue.

   Ma respiration s'emballa et je courrais dans les toilettes. Que m'arrivait-il ? Qu'avais-je fais ? Pourquoi l'enfant était-il parti de chez lui ? Je devais me rappeler. Qu'était-il arrivé ? Je m'arrêtais devant le miroir et me passais un peu d'eau sur le visage. J'observais mon reflet dans le miroir sans le reconnaître. Qui étais-je ? J'étais concentré sur mes propres traits et étaient sur le point de me souvenir de quelque chose lorsque la lumière s'éteignit. Me plongeant dans une obscurité la plus totale. C'est alors qu'une porte grinça longuement derrière moi. Mon cœur s'emballa.

   -   Qui est là ?

   -   Tu ne le sais pas ?

   -   Je ne m'en rappelle pas...

   Tout à coup la lumière revint et m'éblouit. J'étais toujours face à un évier. Mais cette fois j'étais chez moi. Dans ma salle de bain. Je me précipitais dans le salon lorsque le loquet de la porte s'ouvrit. Un homme entra dans la maison et se figea en me voyant. Cet homme ressemblait trait pour trait à celui que j'avais vu dans le miroir.     

The Weird Tales of Jack HillmanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant