25. Le livre noir

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   Après cet épisode quelque peu traumatisant, je compris la véritable nature de mon travail au sein de ce groupe dont j'ignorais encore le nom. Ce travail était terriblement éprouvant. Le pire dans tout cela était qu'il m'incombait de faire le « sale boulot » comme on dit.

   Nous poursuivîmes par la suite des pilleurs de tombes possédés par des créatures qui n'auraient jamais dû exister. Nous démantelâmes une secte adoratrice d'immondes divinités antiques, oubliées de tous, mais surtout existant réellement quelque part dans les entrailles de cette zone inexplorée que j'appelais désormais « les abysses ». Nous trouvâmes une porte ouvrant sur des plans parallèles d'autres lignes d'univers dont nous confîmes la garde à la Fondation. Nous entrâmes en contact avec une race extraterrestre capable de traverser l'espace de leur propres corps via des passages dans la quatrième dimension. Nous les nommâmes « Écrevisses » du fait de leur apparence de crustacés répugnants et d'un franc manque d'inventivité de Lewis.

   Nous découvrîmes un artefact antique au fond de l'océan pacifique émettant pour des raisons inconnues des radiations de type Bêta -. Et produisant de ce fait une anti-énergie d'origine inconnue. Nous pensons que ces antiparticules proviennent d'un point éloigné sur la quatrième dimension. Nous confiâmes l'objet à la Fondation.

   Je comprenais peu à peu que les lignes d'univers se croisaient en de nombreux points et parfois influaient les unes sur les autres, causant ainsi des désordres divers et des phénomènes inexplicables par la science actuelle. Comme par exemple le triangle des Bermudes qui ne s'avéra être au final qu'une fraction d'espace instable et fragilisée par quelques créatures d'autres mondes. La notion de parallélisme semblait avoir une importance capitale et je continuais d'étudier les divers phénomènes qui s'offraient à moi.

   Malgré toutes ces recherches et tout ce travail en plus de mon emploi à la faculté, je continuais de penser à ces horribles rites invoquant d'ignobles êtres du fond des abysses. Des êtres aux pouvoirs si immenses et si répugnants qu'ils pourraient nous anéantir en un instant. Je ne vous cache pas que nous sommes passés à quelques reprises assez près de l'anéantissement et que quelques unes de ces menaces ne sont pas passées. Mais passons. Inutile d'en demander plus ce genre d'affaires est secret défense et seuls moi et quelques membres hauts placés de l'organisation sont au courant.

   Je continuais donc à m'inquiéter pour le sort du monde tout en me demandant comment ces diverses sectes pouvaient connaitre l'existence de ces monstres et la manière de les invoquer. Jusqu'au jour où nous trouvâmes ce livre. Il était sur un autel, durant une rafle interrompant une cérémonie de sacrifices humains. L'un des zélotes avait tenté d'y mettre le feu avant qu'on ne le maîtrise.

   Il était très épais et plutôt lourd. Une épaisse couverture de cuir noir le protégeait. Aucun symbole. Aucun titre, ni aucun ornement n'était présent sur la couverture pour indiquer de quoi il s'agissait. J'eus la permission de Lewis de l'examiner moi-même. J'y trouvais de nombreuses références à la quatrième dimension et même aux lignes d'univers. Je mis un long moment à comprendre de quoi il retournait. Les phrases, les paragraphes et même les chapitres suivaient une logique absolument délirante. Le fil de la pensée y était décrit comme anarchique et totalement chaotique pour un esprit sain. Pour quelqu'un d'ordinaire, il ne s'agissait que d'un terrible charabia. Mais après plusieurs relectures je commençais à saisir l'essence de cette folie.

   Les références, les ellipses, les sauts de lignes et les conformations de paragraphes avaient des sens bien particulier que seul quelqu'un comme moi qui a voyagé à travers les barrières de Cromwell pouvait tenter de comprendre. Encore aujourd'hui il présente des parties dont j'ignore le sens. Mais j'ai pu grâce à mon expérience saisir l'essence des parties les plus importantes. Et c'était tout simplement monstrueux. Chaque ligne que je lisais après avoir compris comment faire, me glaçait d'effroi. Je ne vous parlerais pas du contenu de ce livre, ni même de son auteur dont j'ai une idée de l'identité. Mais après cinq jours d'immersion dans ce dernier j'en ressortais amorphe et fiévreux. Apathique et nauséeux. Nous ne sommes rien. Rien du tout dans l'immensité absolue des êtres qui règnent sur les mondes, qui les créent et les détruisent dans la plus grande indifférence.

   Ce livre m'a permis de comprendre à quel point vouloir sauver ce monde de la destruction était vain. Bien sûr je suis humain, et je ne pourrais abandonner mon instinct de survie qui me forcera à repousser le plus longtemps possible l'échéance. Mais sachez ceci : Tout n'est qu'un éternel recommencement. Beaucoup avant moi ont découvert cette fatalité et ont lutté pour traverser les dimensions. Pour que leur vie n'ai pas été vaine et que des successeurs d'une race lointaine puisse comprendre ce qui les attend. L'un d'entre eux était l'auteur de ce livre.

The Weird Tales of Jack HillmanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant