15. Nausée

31 7 9
                                    



   « Me voilà dans de beaux draps » aurait été une expression relativement adaptée à ma situation. Je m'approchais de la porte en surveillant soigneusement les mouvements du docteur Clark. Pourquoi m'avait-il rendu mon arme ? Pensait-il vraiment que j'allais le rejoindre ? J'avais du mal à imaginer que cette éventualité lui ait échappé. J'ouvris la porte. Un pantin se trouvait debout immobile tel un garde royal. Je pris soin de traverser l'encadrement sans m'en approcher. Il ne fit pas le moindre mouvement mais je savais que cela ne signifiait pas être sauvé. Une sortie. Il me fallait une sortie. Je tâtonnais à reculons tout en surveillant mon entourage. Je me refusais de quitter cette chose du regard plus d'une seconde. Je traversais les longs couloirs de la maison qui me semblait plutôt être un manoir sans rencontrer de sortie ou de fenêtre. Étais-je en sous-sol ? Impossible de le dire. Cet endroit était immense, et aucun escalier en vue. Frederik Clark me suivait consciencieusement mais je le maintenais à distance par des menaces répétées d'attenter à ma vie.

   Comment sortir d'ici ? Ma petite ruse ne fonctionnerait pas éternellement. Au détour de chaque mur et de chaque porte pouvait se trouver un pantin prêt à saisir mon arme et me briser les os. Ces choses me faisaient terriblement peur. J'avais l'horrible impression qu'ils étaient dissimulés tout près de moi pour me capturer ou me tuer. Je devais partir d'ici. Mais m'enfuir à pied avec ces choses aux trousse me semblait une épreuve infranchissable et cela en partant du principe que je trouve une issue. Le temps pressait.

   Je me creusais la cervelle pour trouver la solution. Il y en avait forcément une ! Oui. Me souvenir de toutes mes interactions avec Clark. Qu'avait-il dit déjà ? Que j'étais capable de me déplacer dans la quatrième dimension. Ridicule, pourtant l'expérience de ma dernière évasion m'avait prouvé la possibilité du voyage de corps physique à travers cette dernière. Il avait dit que j'en étais capable. Que j'en avais le pouvoir. Etait-ce même possible que de modeler l'espace selon la volonté ? L'idée était saugrenue et incroyable mais le temps pressait et les pantins allaient me trouver. Je respirais à fond et me concentrais de toute mes forces. Faisant abstraction de mon entourage je perçus bien trop tard la chose qui s'était approchée de moi à pas feutrés et s'apprêtait à me saisir le bras. J'eus un terrible sursaut de terreur. Connaissant leur force, s'il me touchait je pouvais certainement dire adieu à l'usage de mon bras droit. La peur me hurla de fuir et mon estomac se souleva. L'instant d'après, la main du monstre s'était très probablement refermée sur du vide. L'horrible silhouette avait disparu à une vitesse prodigieuse.

   Les déformations spatiales défilaient à une vitesse inédite et les turbulences me secouèrent l'estomac comme jamais. Une expérience abominable si je puis dire. Trop vite. Je paniquais et tout se déplaçait trop vite. Je sentis mon corps être comme haché menu par la barrière des six degrés ou de « Cromwell » comme le docteur l'appelait. Je me calmais et faisait le vide dans mon esprit pour en éliminer toute trace des pantins. Le paysage se figea sur la brume multicolore d'une surface intermédiaire. Un lieu entre deux mondes physiques comme celui des sombres créatures vaporeuses. Puis dès lors que j'eus à elles, l'une de ces choses émergea d'un nuage d'une couleur tout à fait indescriptible mais qui me semblait étrangement connue. L'indicible chose se dirigea droit vers moi. Mon corps écrasé par la pression ne pouvait faire le moindre mouvement.

   Je n'eus pas le temps de réfléchir à son origine, un deuxième apparut. Ils savaient que j'étais là. Ces monstres étaient comme des rôdeurs dimensionnels qui chassaient toute forme étrangère à ces lieux sans nom. Je me concentrais de nouveau puis le mouvement repris en sens inverse. Je vis l'univers défiler de nouveau devant mes yeux et retraversais la barrière des six degrés. Je devais être prudent et m'arrêter au bon endroit. Je devais me concentrer et me souvenir de toutes mes forces de mon monde d'origine. Avant que je n'eus le temps de penser à quoi que ce soit d'autre mes jambes flageolantes se posèrent sur un sol bétonné et me chaussures de ville se retrouvèrent couvertes du contenu de mon estomac contenant entre autre le thé à la camomille et les biscuits secs de Clark.

       Je me calmais et me rendit compteque je me trouvais de nouveau dans un lieu clos. Des piliers, des murs en acieret des tableaux de contrôles à distance régulière. Un long couloir éclairéartificiellement. Un complexe militaire peut être ? L'endroit me paraissaittrès moderne. Je fis quelques pas pour explorer mon nouvel environnement etm'écarter de la flaque nauséabonde quand un son terrible me fit sursauter. Lesnéons s'éteignirent et à une vingtaine de pas une porte tomba du plafond pourcondamner le couloir. Ce son strident était probablement une alarme. J'étais sortidu repère d'un cinglé pour tomber dans un piège inconnu. La simple idée d'êtrepoursuivis de nouveau fit revenir la nausée.

The Weird Tales of Jack HillmanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant