13. Camomille

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   Tout s'était passé très vite. Le conducteur avait repassé la marche avant et avait roulé sur les deux corps pour avancer. Mais un bras avait traversé sa vitre et l'avait agrippé à l'épaule. Résultat l'automobile avait foncé droit dans le fossé. Le conducteur sortit en poussa la portière côté passager. Il semblait blessé à l'épaule. Il sortit son arme mais c'était déjà trop tard. Je sortis moi aussi mais de l'autre côté. Mes jambes se mirent d'elles-mêmes à courir en entendant le crâne de l'homme en noir se rompre sous la chaussure de l'un des étrangers. Ils étaient derrière moi. J'ignorais combien ils étaient ni même s'ils me suivaient car il faisait sombre. De plus en plus sombre. Quel cauchemar. Comment en étais-je arrivé là ? Tout ça parce que mon ami avait fabriqué une machine et que je l'avais essayée. Et aujourd'hui je m'en mordais les doigts. J'aperçus des phares qui s'approchaient. Je fis des grands signes de mains. La voiture s'arrêta et le conducteur en sortit. J'étais ébloui par la lumière.

   -   Monsieur Hillman ! Quelle chance de vous trouver là par une si belle nuit !

   Non. Impossible. Je reconnaissais cette voix moqueuse. Je m'arrêtais et reculais d'un pas. Rattrapé par mes efforts de course je ne pouvais plus faire un geste.

   -   Doc... docteur Clark. Dis-je essoufflé.

   -   Ne vous en faites pas monsieur Hillman ! Ils ne vous feront pas de mal. Je suis désolé pour le malheureux incident dans mon laboratoire. Je vous avais mal jugé !

   -   Non ! Ne vous approchez-pas de moi !

   Je regrettais de ne pas avoir mon revolver.

   -   Allons allons, je vous promets de ne plus vous faire aucun mal ! Venez donc avec moi ! Montez en voiture nous allons discuter !

   Mais déjà les créatures à formes humaines m'attrapaient par les bras et me traînaient vers la voiture. Ces monstres avaient une poigne invraisemblable. Je sentis une piqûre dans mon coup et tout disparut autour de moi. Je me souviens avoir fait un rêve cette nuit-là. Un rêve où je me trouvais sur une toute petite île au milieu de l'océan. Pas de bâtiment, seulement quelques dizaines de mètres carrés de sables au-dessus de la surface de l'eau. Du moins il me sembla qu'il s'agissait d'eau. Pas la moindre vaguelette ne semblait l'animer. Le ciel était constellé d'étoiles de toutes les couleurs si bien que l'on apercevait clairement la Voie Lactée. Je me souviens également avoir vu une aurore boréale au-dessus de moi. Et toutes ces lumières se reflétaient sur le miroir de l'eau créant un incroyable kaléidoscope. Il m'était difficile de différencier le ciel de l'océan car tous deux s'étendaient à l'infini jusqu'à l'horizon. Ils brillaient intensément de leur singularité vibrante. Je ne saurais décrire cette sensation. Mais il y avait autre chose sur celle île. Moi je n'y étais pas. Je ne faisais que l'observer de loin. Mais avant de me réveiller je pus y distinguer les traits d'une silhouette envoûtante. Une silhouette assurément humaine. Je ne saurais dire pourquoi ni comment, mais cette personne me voyait. Ce fut tout.

   Une odeur de camomille me ramena à la réalité. Je me trouvais dans une grande pièce luxueusement meublée. Une bibliothèque remplie de livres aussi invraisemblables qu'attirants s'étendaient à ma droite. A ma gauche se trouvait une magnifique table basse où attendaient une tasse de thé et des biscuits secs. Et en face de moi sur un fauteuil identique au mien, me regardais le docteur Clark dans une posture de détente et avec un sourire amical.

The Weird Tales of Jack HillmanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant