7. Leur monde

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   Si vous avez cru à mon histoire jusqu'à maintenant, ce qui va suivre vous paraîtra complètement fou. Sans doute avez-vous déjà perdu toute foi en la véracité des événements décrits ici. Tout simplement parce que vous pensez que si de telles découvertes avaient été faites, vous en auriez entendu parler et ces révélations auraient secoué le monde. Eh bien sachez que vous avez très probablement entendu parler sans le savoir. Des événements ayants marqué l'histoire en sont indissociables et d'ici à quelques chapitres vous comprendrez ce que je veux dire. Je dis cela ici pour que vous puissiez continuer à accorder un tant soit peu de crédit à ce qui va suivre. Il s'agira s'une suite d'événements en cascade ayant porté l'affaire au niveau mondial. Vous pensez connaître l'histoire de ce siècle pour l'avoir étudié à l'école ? Vous pensez détenir la vérité sur ce qui s'est passé des décennies avant votre naissance ? Laissez-moi vous dire une chose que j'ai appris à mes dépends. Ne croyez pas tout ce qu'on vous dit. N'envisagez pas toujours uniquement l'hypothèse la plus vraisemblable. Car en ce qui concerne le passé, il n'y a pas de vérité ici-bas, seulement des histoires.

   Revenons-en à mon récit à présent. En ce jour de septembre 1937. J'étais en pleine projection par-delà la barrière des six degrés. A la poursuite de l'ombre. Une ombre au corps infiniment plus étendu que celui des humains ou que tout autre chose que j'ai pu voir. La surface en apparence molle et en mouvement constant de la créature se mouvait selon ma volonté. Ma capacité fraîchement découverte de me déplacer dans la quatrième dimension par ma propre volonté me permettait de rechercher les confins de ce corps. Désormais ses surfaces s'aplanissaient et des arrêtes se formaient. Une nouvelle conformation du monde suivant des principes d'une logique absolue se mettait en place. C'était un spectacle absolument extraordinaire. Plus aucune courbe. Des lignes, des angles, des faces. Des formes géométriques en expansion et en contraction permanente et sans fin. Les opposés se confluaient et des principes d'une rigueur sans faille régissaient cette partie du monde.

   La petite forme en transition permanence se déplaçait très légèrement selon des soubresauts au rythme de ses changements de conformation. A la manière d'une méduse, le léger mouvement avait quelque chose d'harmonieux. A y regarder de plus près ce n'était pas un simple mouvement. Tandis qu'une partie de la forme se rétractait, une autre se développait dans la direction opposé, créant ainsi un déplacement global. Je ne me lassais pas d'observer cette danse poétique et surréaliste. Mais je devais continuer. Aller au bout de la piste et me laisser emporter jusqu'à l'extrémité de ce corps. Je me concentrais donc et voyais une nouvelle transformation du monde. Un brouillard laiteux et jaunâtre apparut. Cela ne ressemblait pas à des fumée soufrées mais plutôt à une lumière de levée ou de couché passant au travers de fin nuages de poussière de composition inconnu. Bientôt des formes se mirent à apparaître à leur tour et des ombres imposantes se dessinaient peu à peu à travers les nuages. Je ne pouvais y croire. Cela n'y ressemblait que trop. C'étaient des bâtiments. Des immenses tours qui tendaient vers le ciel des doigts moqueurs de par leur magnificence. Des centaines, non des milliers d'entre-elles couvraient l'horizon de tous les côtés à travers les fins nuages. 

   Plus j'avançais, plus les choses se précisaient. D'immenses balcons à l'architecture inhumaine s'élevaient à des kilomètres du sol. Des passerelles décorées de statues cyclopéennes et issues d'un art et d'un savoir-faire infiniment plus avancé que celui des plus grands sculpteurs de tous les temps. Par endroit flottaient des plates-formes hexagonales émettant des lumières de spectres inconnus. A bien y regarder, les tours présentaient toutes six côtés. Toutes les constructions semblaient basées sur le chiffre six. Contrairement à notre architecture qui était sur une base de quatre. Sur la façade de la tour la plus proche, je ne pus que remarquer l'immense sculpture à la forme reconnaissable. L'œil d'Horus.

   Je n'avais aucune idée de ce que signifiait tout cela. Mais je n'eus pas le temps d'y réfléchir. Car l'ombre était là. Dans une toute nouvelle forme toute à fait extraordinaire et inimaginable. Je n'avais pas la moindre idée de ce dont il s'agissait. Mais la vue de ses semblables flottants tout autour de moi je sus que j'étais dans leur monde véritable.

The Weird Tales of Jack HillmanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant