Voilà vingt minutes que je marchais en tentant de contourner les ombres néfastes de la forêt. Je n'en voyais absolument pas le bout ! La seule chose qui commençait à se dessiner à l'horizon était un genre de fossé. Une pente abrupte d'une dizaine de mètres tout au plus qui menait à un relief négatif encore invisible car masqué par la paroi. J'avançais prudemment jusqu'à entendre quelque chose. Des voix. Plus je m'approchais, plus j'étais certain que cela ne m'apporterait rien de bon. Mais je n'avais pas d'autre indice pour partir.
En étant encore plus proche, presque au bord de la falaise j'entendais enfin ce qui se disait. Je restais baissé pour ne pas être surpris et ne voyais donc pas d'où elles provenaient.
- ... sûrement possible oui. Sûrement possible.
- Absolument ! Il m'a l'air parfait !
- Cette nuit sera une belle nuit !
- Une belle nuit oui.
- Où l'as-tu eu Miranda ?
- Dans un camp de réfugiés.
- Oui, oui, il est encore meilleur que tous les autres !
- Cette fois encore Il viendra et nous offrira sa sagesse !
- Oui !
- Quelle belle nuit !
Je dénombrais au moins trois voix mais impossible de dire à qui elles appartenaient. L'une d'entre elle semblait vaguement féminine. Probablement celle qu'ils appelaient Miranda. Mais je ne comprenais pas de quoi ils parlaient. La curiosité l'emporta sur la prudence et je me penchais dans le vide pour voir à qui j'avais affaire.
Grave erreur de ma part. La fameuse Miranda était une parodie de vieille femme à l'âge incertain. Son corps était squelettique et allongé, ses ongles étaient longs et ses cheveux avaient une ignoble couleur de saleté. Elle était hideuse et effrayante. Mais ce n'était pas elle qui me faisait douter de mes yeux mais plutôt de ses interlocuteurs.
Ces engeances étaient tous sauf humaines. Et dieu seul savait pourquoi elles pouvaient parler. L'un d'entre eux était un genre d'énorme rat croisé avec un ragondin et portant un horrible visage pour place de son museau. Un autre était ou avait autrefois été un chat. Noir de toute évidence mais qui affreusement mutilé. Sa partie avant semblait également hypertrophiée en comparaison à son arrière train. Le troisième et dernier convive était un croisement blasphématoire entre un chien, une araignée et un alligator. Tous portaient des excroissances de chaire à leur surface semblables à d'énormes tumeurs.
Et ils parlaient.
Ces horreurs parlaient avec l'épouvantail fripé qui semblait les diriger. Certaines qualités vocales sont propres aux hommes, d'autres aux animaux. Et rien n'est pas terrible que d'entendre les unes sortir du gosier des autres. Je contemplais ce sabbat nocturne aux confins des dimensions quand je discernais l'horreur absolue de ce rituel. La vieille femme tenait un poignard que reconnaissais être le même que dans la tour plus d'un an auparavant. Et au centre de l'haïssable assemblée se trouvait un jeune enfant, ligoté et bâillonné.
J'étais à la fois effrayé et révolté contre ce qui se déroulait sous mes yeux. C'est à ce moment précis il me semble que mon pied glissa sur une pierre calcaire émettant un son résonnant sur les plaines silencieuses. Toutes les engeances se tournèrent vers moi immédiatement. Le rongeur-manticore se jeta sur la paroi et se mit à l'escalader avec une vitesse et une habilité hallucinante. En moins de cinq secondes il était arrivé à mon niveau et me sautait dessus.
Le contact avec sa chaire était répugnant et sa force me sembla démesurée pour sa taille. Il me mordit le bras de ses crocs d'hybride et m'entraîna dans une chute vertigineuse à quelques douze mètres plus bas après avoir dévalé une pente raide. J'étais couvert de contusions et ma jambe droite s'était pliée dans un angle fortement inhabituel. Sans compter la morsure de l'ignoble rat géant.
Je hurlais de douleur en me tenant la cuisse. J'avais le souffle coupé et ma vision s'était troublée à cause d'un choc à la tête. Mon ouïe en revanche me sembla étrangement fiable.
- Qui est-ce ? Dit le chien reptilien.
- Comment est-il arrivé ici ? Répliqua le chat.
- Est-il humain ?
- Calmez-vous donc ! Dit Miranda. Nous avons une célébration qui nous attend et ce n'est qu'un gêneur ! Contentez-vous de le surveiller pendant que je commence !
Par la suite j'entendis le hurlement du garçon qui traversait son bâillon. Puis le bruit de coups répétés. Enfin l'ignoble son de chaires tombant au sol me parvint. C'est à ce moment que ma vue revint à la normale et que je maudis tous les dieux de m'avoir fait assister à cela.
La vieille mégère était en train de déchiqueter avec minutie les muscles et les tissus adipeux du garçon mettant au jour ses organes internes. Je l'entendis trancher des tendons et la vis soupeser la rate et le foie avant de les remettre en place à des endroits différents. Puis le chat apporta un petit panier contenant du fil et des aiguilles. Une lueur de folie et d'excitation malsaine était visible dans les yeux de Miranda. Elle découpa plusieurs muscles et ôta les intestins, l'estomac et ce qui sembla être le pancréas et avant de les jeter au sol.
Je ne pouvais détacher mon regard de ce sinistre spectacle. La vieille femme entreprit ensuite de trancher soigneusement les muscles de la mâchoire, les tendons et arracha violemment les deux mandibules inférieures. Je la vis découper la langue et la mettre dans un bocal. Elle sectionna ensuite le sexe et les testicules et les jeta aux aussi. Après avoir recousu divers organes de manière anarchique elle s'éloigna d'un air satisfait et le rat géant lui apporta un autre objet.
Cela ressemblait à un genre de grande clé complexe mesurant dans les quinze centimètres et ornée d'étranges signes. Elle enfonça violemment l'objet dans le cœur et le tourna dans la chaire.
Le sourire qu'elle me fit après provoqua chez moi un terrible dégoût et une irrépressible nausée. J'avais déjà vu des cadavres et participé à des autopsies. Mais ce qui venait de se dérouler sous mes yeux était à des années lumières de tout ce que j'aurais pu imaginer. Pourtant les choses sérieuses n'avaient pas encore commencé et je le savais pertinemment car les événements qui venaient de se dérouler sous mes yeux ne ressemblaient que trop à un rituel décrit dans le livre noir.
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The Weird Tales of Jack Hillman
Science FictionJack est un professeur de science assez curieux de nature mais à l'esprit cartésien et peu impressionnable. C'est un homme sans histoire et plutôt ordinaire. Mais il va vivre une expérience extraordinaire qui va changer sa vie à jamais. Laisser vou...