Chapitre 32

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Hannah avait tout imaginé sauf un tableau pareil. La mère de Silas venait de s'imposer dans la maison sous l'air glacial qui régnait dans la pièce. Mavra Poloskhïa était l'opposé de son fils. Blonde, avec une taille de guêpe, elle déambulait avec prestance dans le salon sous le regard perçant de son fils. Ne sachant plus où se mettre Hannah s'éclipsa dans la cuisine. De là, une violente tirade en Russe fit trembler les murs d'une telle violence qu'elle en lâcha la vaisselle qui s'entrechoqua sur le comptoir. La voix de Silas était si vibrante qu'elle frémit de peur. Puis vint le tour de Mavra. Celle-ci employait un ton plus craintif. Et cela dura pendant dix minutes. Les murs vibraient sous la voix tranchante de l'homme. Hannah porta une main à son cœur, ne sachant plus si elle devait intervenir ou au contraire rester planquée derrière le comptoir de la cuisine. Au risque de s'en vouloir, de regretter quelle facette lui montrerait Silas, Hannah quitta la cuisine saisie de soubresauts à chaque fois que sa voix claquait des imprécations violentes. Elle se risqua un coup d'œil vers le grand salon et le vit jeter des assiettes sur la grande table en bois. Mavra elle, plaidait sa cause pour une raison qu'elle ignorait.

Silas exigea le silence en faisant claquer ses doigts et tout s'arrêta. Le silence vint se rabattre avec violence.

- Il est temps de dîner maintenant !

Hannah sursauta violemment et se retrouva nez à nez avec lui. Surgi de nulle part, une lueur énigmatique traversa ses yeux opaque.

Hannah pivota les talons et récupéra la marmite qu'elle venait de préparer à la va vite.

- Pardonne-moi, chuchota-t-il lorsqu'elle repassa devant lui sans s'arrêter.

Elle posa le plat et l'annonça d'une voix tendue tandis qu'il était resté dans le couloir de la cuisine, le dos voûté, une main sur les yeux. Ce n'est pas exactement ce qu'elle s'était imaginée pour son premier soir avec lui. Mavra la regardait avec un air désobligeant. Mais elle refusait de ciller maintenant.

- C'est du coq au vin, dit-elle avec un sourire chaleureux.

La mère de Silas s'imposa sans même s'être excusée et s'installa en face d'elle puis se mit à l'examiner comme si elle était une poupée gonflable que l'on peut désarticuler d'un simple regard.

Silas revint, toujours aussi tendu, les traits marqués.

- Où l'as-tu trouvé ? Lâcha Mavra.

Hannah expira d'un souffle, sidérée par sa façon désobligeante de faire comme si elle n'existait pas.

- Ma vie ne te regarde en rien, dit-il en sifflant entre ses dents serrées.

Il prit l'assiette de sa mère sèchement et la servit. Un silence de mort accompagna le dîner où même la cheminée semblait s'être figé. Hannah n'avait pas faim, du moins elle n'avait plus d'appétit.

- C'est délicieux, commenta-t-elle sur un ton désinvolte. Silas tu as trouvé une vraie petite...

- Les siècles derniers sont révolu, coupa-t-il d'un ton mordant, Hannah n'est ni ma cuisinière, ni une esclave, encore moins le genre de femme à se montrer condescendante afin de parvenir à ses fins.

Interdite, Hannah releva les yeux vers lui lorsqu'il recula sa chaise pour se lever. Il revint un instant plus tard et plaqua un chèque sur la table en basculant son corps par-dessus.

- Part d'ici maintenant, exigea l'homme les yeux révulsés.

Effarée, elle assista à la plus grande perfidie de tout les temps. Mavra se leva en récupérant le chèque et quitta la maison sans un mot. Le silence qui s'ensuivit lui fit froid dans le dos. Elle reposa sa fourchette et osa tourner la tête vers lui. Seulement, il s'était détourner d'elle comme s'il voulait qu'elle échappe à cette expression qu'il arborait depuis plus d'une heure. Ainsi voilà ce que Mavra était venue récupérer ? De l'argent ?

- Je ferais mieux de te laisser un moment seul, murmura-t-elle en joignant le geste à la parole.

Elle se leva et quitta le salon pour remonter jusqu'à la chambre à coucher.

Silas se retourna horrifié par les dégâts qu'il avait causé. La table n'était plus qu'un champ de ruine. Le passage de sa mère avait laissé des traces qu'il ne pourrait jamais effacer. Il s'efforçait depuis qu'il avait rencontré Hannah de ne jamais laisser cette facette monstrueuse de lui ressortir. Ce soir il n'avait pas pu la maîtriser. Hannah venait de quitter le salon plus triste que jamais et il en était le seul responsable. Il avait laissé sa mère gagner. Elle avait réussi à jeter des ombres néfastes sur ce qu'il tentait de construire.

Silas grimpa les étages seulement après avoir éteint la colère qui rugissait encore en lui, mais à présent plus infime.

Lorsqu'il poussa les portes de la chambre il la trouva allongée sur le côté, dos à lui. Il se maudit intérieurement. Comment avait-il pu lui promettre un voyage exceptionnel alors qu'il venait de tout gâcher ?

Un infime espoir le traversa lorsqu'il s'aperçut à point nommé qu'elle tenait son téléphone portable. Il décida de se fier au hoquet de surprise qu'elle émit pour déclarer :

- Je suis persuadé qu'elle finira par l'apprécier.

Elle se retourna instantanément et riva son regard au sien.

- Tu le savais ? Demanda-t-elle sur un ton accusateur.

- Oui, seulement je refusais de compromettre les chances de Louane pour un simple accrochage.

Elle mit une mèche derrière son oreille timidement et ramena ses genoux contre elle.

- Elle vit dans un manoir avec ton ami et avocat, Louane va certainement t'étrangler de ne pas me l'avoir dit.

- Je crois plutôt qu'elle me remerciera...un jour, rétorqua-t-il en plissant des yeux.

Il s'approcha prudemment vers le lit et s'installa au bord en examinant ses mains serrées contre ses genoux.

- Je ne voulais pas te faire peur.

- Tu ne m'as pas fait peur, mentit-elle avec aplomb.

- Je me suis conduit comme un imbécile, je comprendrais que tu veuilles t'en aller d'ici sans un regard en arrière.

Désarçonnée, Hannah s'empressa de secouer vigoureusement de la tête.

- Je n'ai pas l'intention de partir, dit-elle fermement.

Il était évident qu'il regrettait la violence de son attitude. Mais avait-elle le droit de le juger pour autant ? Elle avait tellement vu d'autres facettes de lui, beaucoup plus douces que son visage laissait paraître.

- Donne-moi une bonne raison de ne pas te mettre dans un avion, là tout de suite, après ce que je viens de faire.

Hannah le considéra sérieusement. Dans un premier temps elle se sentit impuissante face à la détresse qu'elle lut dans ses yeux.

- Parce que si je pars, nous ne serons jamais si nous pouvons construire quelque chose ensemble, murmura-t-elle en posant sa main sur la sienne. Même si ce n'est que pour quelques semaines ou quelques mois, je ne veux pas partir, parce que je me sens vivre avec toi Silas.

Il serra sa main dans la sienne pour seule réponse à la déclaration qu'elle venait de lui faire.

- Alors je n'ai pas l'intention de partir Silas, reprit-elle fermement. Ni ce soir ni demain, alors si tu veux m'expédier en Amérique il faudra m'endormir !

Aussitôt émit que déjà, Hannah regrettait ce qu'elle venait de dire.

Hannah Tome 2 :  Vaincue par le désir  -  ( La vengeance de Silas PoloskhÏa )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant