Chapitre 4

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/!\ chapitre qui aborde l'automutilation /!\


« - Méaly, on mange !
- C'est bon maman, je n'ai pas faim, avec Anaé on a mangé à 18H avant de rentrer. »

Elle mentait. Cela faisait plusieurs jours que Méaly esquivait les repas. Son rendez-vous avec sa psychologue ne l'avait pas calmée. Elle avait demandé à la voir désormais toutes les deux semaines.

En ce lundi soir, Méaly se sentait à bout de souffle, d'énergie, d'envie de vivre. Elle avait l'impression d'être pétrifiée, bloquée dans sa vie. Elle n'en pouvait plus. Tout se mélangeait dans sa tête. Les cours, le stress, l'angoisse, la peur, les cris, les disputes, le bruit, la routine, le quotidien, la vie, l'ennui, le temps qui passe, la mort, les rêves, le noir, les larmes. Elle se sentait comme hors d'elle-même, hors du temps. Sa tête lui faisait mal, elle sentait une rage et une colère grandissante prendre petit à petit contrôle d'elle-même.

Elle avait l'impression qu'elle ne pouvait plus supporter tout cela. Elle sentait que ce soir, elle allait faire une erreur. Elle savait au fond d'elle qu'il fallait qu'elle demande de l'aide, qu'elle appelle Anaé, Maé, Matthew, tout le monde, n'importe qui. Mais elle n'en n'avait pas la force. Elle se leva et alla prendre une douche pour essayer de laver son corps de toutes ses émotions et ses pensées noires qui la minaient et la tiraient vers le fond.

Une fois dans la salle de bains, elle lança une de ses musiques favorites et laissa l'eau chaude faire son travail. Les paroles lui serraient le cœur et la remplissaient petit à petit. Elle sortit, changea la musique pour quelque chose de plus dur encore et s'assit par terre. La douche n'avait rien changé à son état d'esprit. Elle se sentait toujours aussi mal.

Elle était en colère, en colère contre le monde entier, mais surtout contre elle-même. Elle se détestait tellement. Elle avait l'impression qu'elle allait exploser, à cause d'un trop plein d'émotions et de pensées négatives. Elle n'arrivait pas à s'en débarrasser, n'arrivait pas à se calmer, n'arrivait plus à respirer. Il fallait qu'elle trouve un moyen, quelque chose, que tout s'arrête. Il fallait que tout s'arrête, que le monde se stoppe autour d'elle.

Elle se saisit d'une lame de rasoir, étendit sa jambe gauche, la posa au milieu de sa cuisse et appuya. D'abord doucement, timidement car elle avait peur de ce qu'elle faisait. Puis plus fort, plus vite, parce que cela la soulageait. Le sang commença à apparaître, elle voyait les traces laissées par le rasoir. Elle lâcha la lame et se mit à pleurer.

Elle pleurait parce qu'elle avait mal, tellement mal physiquement, elle pleurait parce qu'elle ne pensait plus à rien, elle pleurait parce qu'elle savait qu'elle s'était engagée dans une mauvaise voie et parce qu'elle ne savait pas si elle allait en sortir vivante.

La douleur était de plus en plus forte, et elle se calmait petit à petit. Elle regarda son corps, qu'elle détestait. Elle regarda ce qu'elle s'était infligée et trouva que les traces rouges avaient leurs places ici. Par automatisme, elle se leva, désinfecta ses plaies et le rasoir, et retourna calmement dans sa chambre. La tempête dans sa tête s'était arrêtée, et c'était tout ce qui comptait.

« 30/11/2014
Je l'ai fait. Je me suis coupée. Je me suis faite saigner. J'ai des coupures sur la cuisse. Je n'arrive pas à réaliser, je crois. Je suis encore sous le choc. J'ai mal, même maintenant, mais je m'y habitue.
La douleur est continue, aiguë et rouge. Je ne trouve pas d'autres mots pour la décrire. Il y avait une musique en fond. Je me demande si je pourrai l'écouter à nouveau.
Ça me brûle quand je bouge trop ma jambe. Je me sens détendue, comme vidée de tout ce que je ressentais avant.
Je ne crois pas que ce que j'ai fait soit grave. Je sais que je pourrai m'arrêter quand je le voudrai. Je suis forte. C'est seulement pour me soulager.
J'ai peur pour jeudi en sport, il va falloir que je me change dans le vestiaire, je me suis coupée au milieu de la cuisse, et les marques se voient un peu.
Je ne veux pas mourir, je ne suis pas suicidaire.
Je mettrai un long T-shirt à la limite. Ça va aller.
Je suis incapable d'expliquer les raisons de mon geste, j'en fais peut-être trop, j'ai à peine saigné, ce n'est pas si grave.
Je crois que j'aime bien ces marques. Je veux dire, elles me plaisent. Elles ont leur place ici, elles ont leur place sur mon corps. Elles sont le reflet de tout ce qui ne va pas chez moi, de mon corps que je déteste, de mes angoisses les plus profondes. Elles doivent être là. »

AutodestructionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant