Chapitre 24

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Cela faisait dix-sept jours que Méaly était internée à l'hôpital. Beaucoup de choses avaient changé depuis le début de son séjour. Elle parlait bien plus à son psychiatre, il l'aidait beaucoup. Elle avait pris conscience d'énormément de choses à son contact.

« - J'ai peur de rentrer chez moi.
- Pourquoi ?
- Plus personne ne me regardera comme avant. Pas après ce qu'il s'est passé. Je vais avoir droit à des regards de pitié de la part de mes amis, et mes parents ne me laisseront plus jamais tranquille. Je n'ai pas envie qu'ils passent leur temps à me surveiller.
- Tu penses que tes amis auront pitié de toi ? Tu ne penses pas qu'ils s'inquiètent plutôt ?
- S'inquiéter ?
- Oui, s'inquiéter. Je me demande pourquoi tu ne penses pas tout de suite à leur inquiétude de te savoir ici. Peut-être que tu n'as pas envie de voir cette inquiétude ?
- Je ne sais pas.
- Penses-tu que tes proches sont inquiets pour toi ?
- Oui, mais je n'ai pas envie d'y penser.
- Pourquoi ça ?
- Parce que ça veut dire qu'ils ont peur pour moi. Ça veut dire que je compte pour eux.
- Et tu penses que ce n'est pas le cas ?
- Je n'ai pas envie que ça soit le cas. Toute ma vie, j'ai pensé être seule, je me suis persuadée que mes parents se moquaient de moi, que je n'avais pas besoin d'eux, que je les quitterai dès que je pourrai, et que je passerai ma vie seule.
- C'est dur de tout remettre en question n'est-ce-pas ? »

Méaly avait de nombreuses fois pleuré dans son bureau, mais elle sortait toujours de ses séances un peu mieux. Le plus gros changement concernait ses parents. Elle avait fini par comprendre que même les adultes pouvaient faire des erreurs, que c'était le cas de cette nuit sept ans plus tôt. Une erreur. Tout le monde faisait des erreurs, et ce n'était pas juste de sa part de rester bloquée dessus.

Elle avait vu les efforts de ses parents pour la comprendre, elle avait compris qu'elle les avait trop repoussés. Ils avaient tous fait des erreurs, mais cela ne voulait pas dire qu'une autre vie n'était pas possible.

« Je ne sais pas si j'arriverai à leur pardonner un jour. Mais je crois que je peux essayer de vivre avec. »

Elle avait aussi beaucoup parlé de son frère, de sa volonté de toujours être là pour lui, et de sa culpabilité de le laisser seul à la maison avec ses parents.

« - Tu es comme une mère pour lui non ?
- C'est moi qui prends soin de lui, quand mes parents sont trop occupés à se hurler dessus. C'est-à-dire pratiquement tout le temps.
- Est-ce que tu penses que c'est normal ? Que c'est ton rôle ?
- C'est mon rôle de grande sœur.
- Que va-t-il se passer lorsque tu devras partir pour faire tes études supérieures ?
- Je ne veux pas laisser mon frère tout seul.
- Tu penses qu'il ne pourra pas se débrouiller tout seul ?
- J'ai peur de partir, parce que s'il a un problème, je ne serai pas là pour lui, et j'ai peur qu'il ne s'en sorte pas.
- Il y aura tes parents sur place, ses amis à lui seront là. Et il sera à un coup de fil de toi. »

Méaly avait pris petit à petit conscience que partir était dans l'ordre des choses, et qu'elle ne pourrait pas garder éternellement son petit frère loin de l'extérieur et des conflits. Elle ne lui rendait pas justice en le couvant comme cela. Ce n'était pas son rôle, elle n'avait pas à le faire.

En sortant de cette séance, elle était prête à laisser son frère vivre sa vie, pour qu'elle puisse vivre la sienne. Elle savait qu'il s'en sortirait, et elle serait toujours là pour lui. De toute façon, ils étaient liés à vie.

La conversation était bien plus tendue lorsqu'elle parlait de Matthew. Elle tenait un discours très dur à son égard, elle était persuadée qu'il était trop bien pour elle, et qu'il finirait par partir, parce qu'il ne pourrait pas la supporter éternellement.

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