Cela faisait maintenant plus d'une semaine que Méaly ne répondait plus aux messages de Matthew. Elle n'y arrivait pas. Elle attendait dans la salle d'attente du cabinet de psychologie en réfléchissant au week-end qu'ils avaient passé.
La semaine dernière, lorsqu'elle s'était réveillée dans les bras de Matthew, elle s'était sentie heureuse. Heureuse, malgré la mauvaise nuit qu'elle avait passée. Heureuse, parce que malgré sa démonstration de faiblesse, le garçon était resté. Ils avaient passé un très bon dimanche, ils n'avaient rien fait de spécial, ils avaient juste profité l'un de l'autre. Lorsque Méaly était retournée chez elle, Matthew était devenu très soucieux, et il avait fini par lui faire promettre de ne plus prendre de drogue et de l'appeler si jamais elle avait le moindre soucis. Méaly avait promis, et elle tenait toujours ses promesses. Alors, une fois chez elle, elle avait jeté tout ce qu'il lui restait.
Elle l'avait vite regretté. En ce moment, elle sentait qu'on la tirait vers le bas. Elle se sentait de plus en plus perdue, de plus en plus seule. Elle ne dormait presque plus, et, pour compenser, elle se coupait de plus en plus profondément. Elle avait désormais la moitié de la cuisse complètement ravagée, pleines de cicatrices plus ou moins récentes. Ce n'était vraiment pas beau à voir, mais elle n'arrivait pas à s'arrêter. Lorsqu'elle se changeait dans les vestiaires de sport, elle faisait semblant d'aller aux toilettes pour mettre son jogging. Pour l'instant Anaé n'avait rien dit, mais Méaly savait qu'elle trouverait cela étrange au bout d'un moment. Et cela la terrorisait, mais elle ne pouvait pas s'arrêter de se couper pour autant.
Et depuis, elle n'arrivait plus à répondre à Matthew, parce qu'elle avait l'impression d'échouer constamment. Elle lui répondait le strict minimum, pour éviter qu'il s'inquiète trop, mais elle se doutait que cela ne lui suffisait pas.
Aujourd'hui, elle était à fleur de peau et elle se demandait si elle ne devrait pas fuir son rendez-vous, tout simplement. Elle avait peur de craquer, de se mettre à pleurer, de tout lâcher.
« Tu viens Méaly ? »
« - Non, je crois qu'il n'y a rien qui va en ce moment.
- Pourquoi tu dis ça ?
- Je ne sais pas, je n'en peux juste plus. Je n'en peux plus de tout ça, j'ai peur, j'ai tout le temps peur si vous saviez ! J'ai peur d'être seule, d'être entourée, d'être différente, d'être identique, de réussir, d'échouer, de mourir, de vivre. J'ai peur, constamment. Et, je n'arrive plus à lutter contre tout ça. Je me suis toujours battue, contre tout et tout le monde, j'ai passé ma vie à protéger mon frère, pour ne pas qu'il souffre de tout ça. J'ai passé ma vie à écouter les disputes de mes parents, à être prise à parti. Je leur en veux, tellement, je crois que je les déteste, et ça me fait peur, parce que ce n'est pas normal de détester ses parents.
- Ça peut arriver.
- Pas dans les familles normales. Je ne comprends pas pourquoi c'est tombé sur nous, pourquoi il a fallu qu'on vive ça, pourquoi il fallait qu'on souffre tous. Je ne sais plus quoi faire. »La psychologue savait que Méaly n'était pas loin de lui confier la cause de tout ce qu'elle portait en elle. Elle la poussa dans ces retranchements, jusqu'à ce qu'elle craque.
« Tu veux un mouchoir ? »
Méaly pleurait, de haine, de rage, de tristesse et de joie. Tout se mélangeait dans sa tête. Elle était choquée d'avoir réussi à parler de ce qu'il s'était passé sept ans plus tôt, triste de voir à quel point cela avait ruiné sa vie et heureuse, car en parler la soulageait d'un poids. Elle avait réussi, elle avait parlé. Tout irait mieux à partir de maintenant.
« - Tu n'en avais jamais parlé n'est-ce pas ?
- Non. Je n'y étais jamais arrivée. Je suis désolée d'avoir pleuré.
- Ne t'inquiète pas. Ça fait du bien de le dire à quelqu'un, non ?
- Oui. Vous savez, je crois que je n'en peux plus. Ça fait sept ans que je porte tout, toute seule. Et là, je crois que je suis vraiment à bout de force. Dès que je suis seule, je m'enferme dans ma chambre, je me roule dans mon lit, et je regarde le soleil décliner. Je n'arrive plus à m'occuper, à faire quelque chose. Je veux juste dormir. Et je ne sais pas si j'ai très envie de me réveiller.
- Méaly, je pense que tu fais une dépression. Ça se soigne, ne t'inquiète pas, on va y arriver. On va rapprocher les séances d'accord ? On va se voir tous les samedi, si ça ne te dérange pas.
- Non, c'est parfait, je crois que j'en ai besoin.
- Et je ne peux pas te laisser repartir dans cet état. Tu vas aller chez ton médecin traitant, et demander à ce qu'il te prescrive ceci d'accord ? Moi, je n'ai pas le droit.
- Qu'est-ce que c'est ?
- Ce sont des anti-dépresseurs. Ils n'entraînent pas de dépendance, mais ils vont t'aider à réguler ton humeur, et à aller mieux. »
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Autodestruction
Teen Fiction16.07.2018 #1 Autodestruction 💖 Méaly accumule les problèmes depuis cette nuit sept ans plus tôt. Adolescente perdue, elle essaie de naviguer entre une famille qui se déchire, son petit frère qu'elle s'efforce de protéger, les amis et les cours. M...