Chapitre 23

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Elle fixait le plateau repas qu'on avait posé devant elle un peu plus tôt. Elle avait dit plusieurs fois qu'elle n'avait pas faim, mais les médecins voulaient qu'elle mange un peu. Elle entretenait un rapport particulier avec la nourriture depuis plusieurs mois. Elle n'avait plus faim, et ne mangeait presque plus.

A force de refuser de manger, son médecin l'avait faite peser, et, évidemment, elle était en dessous du poids qu'elle devrait faire. Le médecin avait alors soupiré et dit qu'elle allait leur poser problème. Ils n'étaient qu'un simple hôpital, ils n'étaient pas habitués à traiter des cas comme celui-là. Finalement, il l'avait laissée seule en lui disant d'essayer de manger, au moins un petit peu.

Elle en était là, fixant son plateau avec dégoût. Elle ne pouvait pas manger, elle n'avait pas faim, et si elle se forçait, elle allait de nouveau vomir. Soupirant, elle se contenta de boire un peu d'eau et de repousser loin d'elle tous ces aliments. Ils lui donnaient la nausée.

Elle se coucha sur le côté et attendit. Elle ne dormait pas, elle fixait le mur blanc en attendant que les heures passent. Elle ne voulait plus penser, c'était trop dur. Elle en avait assez de réfléchir, elle était fatiguée, elle voulait juste qu'on lui fiche la paix. Elle voulait retrouver son lit, et y rester toute sa vie, sans voir personne. Sentant son cœur s'accélérer, elle passa sa main sur sa cuisse et appuya sur ses coupures. La douleur la calma peu à peu, et elle put attendre le retour du médecin plus facilement.

« - Tu n'as rien mangé ?
- Je vous avais dit que je n'avais pas faim. J'ai encore un peu mal au ventre, et je vais vomir si je mange.
- D'accord. On verra ça plus tard. J'ai une bonne nouvelle ! Tes amis sont dans le couloir, ils attendent pour venir te voir. Tes parents travaillent pour le moment, mais ils passeront ce soir en rentrant. »

A ces mots, la jeune fille se releva brusquement. Elle ne voulait pas les voir, elle ne voulait pas en entendre parler. Elle ne voulait pas, elle refusait de leur parler, elle avait trop honte, elle voulait qu'ils partent, tous, qu'ils l'oublient. Son rythme cardiaque augmenta et elle sentit la panique la saisir.

Le médecin, se méprenant sur sa réaction, continua de lui parler avec enthousiasme.

« - Je pense que tu es suffisamment en forme pour avoir de la visite. Il y a un certain Matthew, ton petit-ami je crois ? Il a tellement hâte de te retrouver ! Il y a aussi Anaé, Fabien, Louis et Nathan.
- Je ... Je ne veux pas les voir. Je ne veux pas, je veux qu'ils partent, je ne veux pas ! »

Le médecin remarqua enfin qu'il y avait un problème. Déstabilisé par la réaction de la jeune fille, il posa son regard sur elle. Elle était à moitié hors du lit, tendue comme un arc. Elle avait de la panique mêlée à de la honte dans son regard. Elle répétait qu'elle ne voulait pas les voir, qu'elle ne voulait plus jamais les voir.

« - Calme-toi, tout va bien. Pourquoi tu ne veux pas les voir ?
- Mais parce que ... parce que je ne veux pas, je ne veux pas qu'ils me voient comme ça, dit-elle en se mettant à pleurer. »

Le médecin était démuni face à elle, il pensait sincèrement que voir ses amis ferait du bien à la jeune fille, qu'ils lui montreraient qu'elle était soutenue et aimée, et qu'elle devait se faire soigner pour pouvoir revenir le plus vite possible auprès d'eux.

« - D'accord, d'accord calme-toi. Je pensais que tu serais contente de les revoir. Tu ne veux même pas voir ton petit-ami ? Il a attendu toute la nuit, il s'inquiète beaucoup, et il ne me croit pas quand je lui dis que tu vas plutôt bien.
- Non, non, non, je ne veux pas ....
- D'accord, c'est bon, je ne vais pas te forcer à les voir. »

La jeune fille, rassérénée par cette promesse, se recoucha sur le côté, en tournant le dos au médecin. La conversation était close. Elle ne verrait aucun de ses amis. Plus jamais.

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