Chapitre 33 : Décision
Point de vue Eden
MARDI 8 MARS 2016
Une nouvelle journée loin de celui que j'aime commence. Pourquoi m'a-t-on séparé de lui aussi brutalement ? On n'a pourtant rien fait de mal. On partageait seulement un amour. Mais depuis trois mois, ma vie est en pause. Ma moitié est partie et m'a totalement oublié. Je suis impuissant. Je ne peux rien faire pour qu'il revienne vers moi. Je revis comme après la mort de mes parents. Jay m'avait beaucoup aidé pendant ce temps mais il est aussi affecté que moi en ce moment. On n'a raté tellement de choses Samaël et moi. Noël pour commencer. Je me disais que ce serait les meilleures fêtes de fin d'année de toute ma vie mais en fin de compte, c'était pire que tout. Jay a donné tout ce qu'il pouvait pour me faire profiter de ce moment mais je n'ai pas réussi. J'attends toujours pour lui offrir son cadeau. Et il y a eu son anniversaire. Le vingt-et-un Février. On est allé le voir le lendemain et il ne semblait même pas avoir conscience qu'il venait d'avoir dix-huit ans. Si j'avais ses parents en face de moi, je n'hésiterais pas à les torturer pour qu'ils le fassent enfin sortir de cet enfer. Je ne sais pas exactement ce qu'ils lui font subir dans cet hôpital mais une chose est sure, le Samaël dont je suis tombé amoureux disparaît de plus en plus.
Avec une conviction qui m'est propre depuis quelques mois, je me lève difficilement. Aujourd'hui j'ai cours et c'est bien quelque chose que je supporte de moins en moins. Moi qui a toujours été sérieux en cours, je ne fais plus aucun effort. Mes notes ont chuté brutalement. Mes profs se sont inquiétés et ont donné rendez-vous à Jay qui leur a expliqué le plus simplement que je suis dans une passe difficile. Depuis ils me laissent tranquille ce qui n'est pas le cas de tous les autres. Tous ces lycéens. Ils se souviennent très bien du bal de Noël durant lequel Samaël et moi avons dansés. Je voudrais tellement revivre ce moment si magique. Ma nouvelle étiquette de lycéen : aveugle pédé. Parfait. Deux raisons pour s'en prendre à moi plus ou moins violemment. Entre les insultes, les quelques bousculades et les questions du genre « Il est passé où ton copain fou ? ». Le jour où Samaël reviendra, et j'en suis persuadé, ils arrêteront toutes leurs remarques. Il a beaucoup plus de charisme que moi. Il aurait dû se battre face à ses parents mais c'est trop tard maintenant. Tu reviendras. J'en fais la promesse.
Je sors de ma chambre et vais directement dans la cuisine en face. Jay est déjà parti travaillé et il ne rentrera qu'à vingt heures. Mon ancien quotidien est revenu au grand galop. Une journée perdu dans une obscurité qui m'est bien trop familière. Même si j'arrive quelques fois à légèrement distinguer certaines couleurs et luminosité, je ne vois rien. Je prépare mon petit-déjeuner et repense à ce jour où il a cuisiné avec moi. Ca c'était fini en bataille de farine et je me suis retrouvé allongé sur lui. J'avais eu tellement chaud ce jour-là. C'était juste avant notre premier baiser... Parfois, j'ai l'impression de le sentir près de moi. Il est encore là. Il n'est pas mort comme les membres de ma famille que je ne reverrai jamais malheureusement. Il est quelque part et même si je sais où actuellement, je ne saurais pas y retourner. Jay m'a amené en voiture et je suis incapable de refaire ce trajet. Handicap de merde. S'il existait un moyen, n'importe lequel, pour que je retrouve la vue, j'essaierai. En attendant, j'essaie de vivre comme quelqu'un de normal même si normal ne veut strictement rien dire. On est tous différents. Je retourne dans ma chambre et m'habille machinalement. Mes pensées lui appartiennent et je doute que ce soit réciproque. Je n'ai même pas la place de souvenir lointain pour lui. Une simple connaissance peut-être. Quelqu'un dont le visage peut vaguement nous dire quelque chose.
Je quitte l'appartement et emprunte cette route maudite. Je ne veux pas aller en enfer. Ce n'est plus vivable le lycée. Jay ignore toutes les insultes qui me sont destinées parce que je suis gay. J'estime qu'il a déjà assez de problèmes et que l'absence de Samaël lui pèse aussi. C'était son frère en même temps. Le revoir dans cet état-là n'a pas dû le réjouir. Ce n'est plus notre Samaël. Ils l'ont brisé. J'avance doucement, comme si je reculais. Il n'y a plus d'espoir de toute façon. Je ne veux plus être blessé par qui que ce soit. Arrivé devant le lycée, je continue sans lever la tête pour être le premier dans la salle de cours. Ne pouvant pas voir, j'entends parfaitement bien et toutes ces messe-basses, je les comprends très bien. Autant ne pas le répéter, de toute façon, c'est toujours la même chose. Je dois disparaître. Etant donné mon handicap, on m'autorise à rentrer dans la salle avant tout le monde. Me voilà comme un con à attendre que les cons qui me servent de camarade entrent. Et ce n'est que la première heure de cours.
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No one can save me [boyxboy]
RomanceSamaël, dix-sept ans, est contraint de vivre chez son psychologue. Ses parents ne veulent plus de lui. Quant à son psychologue, il pense mieux pouvoir l'aider à guérir cette folie qui le hante. Lors de l'emménagement, tout ne va pas se passer comme...