Chapitre 33 ❀ Je te laisserai partir

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Tout était si silencieux et pourtant, je n'avais qu'une envie, c'était de hurler. Il se tenait là, c'est tout, et il avait un total empire sur moi par le simple fait de me regarder.

Et il n'en avait même pas conscience.

« Mais tu as dis que tu n'avais jamais été amoureuse, » a-t-il finalement laissé échapper, à peine plus haut qu'un murmure.

« J'essayais de te dire quelque chose ce soir-là, un peu comme toi avec ton mot pour Josh à Hawaï. » J'ai avalé ma salive, mais j'avais toujours une boule dans la gorge. « Je n'avais jamais été amoureuse...avant toi. »

Il a ouvert la bouche puis il l'a refermée, ne sachant pas quoi dire, mais j'ai lâché le morceau avant qu'il n'ait le temps de répondre – et avant de perdre le courage de le dire.

« Tu as été mon premier amour. »

Et j'espère qu'un de ces jours je serai en mesure de ne plus te désirer si fort et de respirer à nouveau.

J'ai lutté pour maintenir une barrière en franchissant le dernier pas qui nous séparait. Sans le vouloir, une autre larme à roulé sur ma joue au moment-même où je me penchais vers lui pour presser mes lèvres contre les siennes.

Une dernière fois.

Je ne voulais pas m'y perdre, mais c'est bien ce qui a failli arriver. Mes mains ont trouvé leur chemin jusqu'à ses cheveux, pour l'attirer plus près de moi, mais si je faisait tout ça c'est uniquement parce qu'il me rendait mon baiser.

Il me rendait mon baiser, et il n'aurait pas dû, parce qu'il était marié. Mais il tenait mon visage entre ses mains, et nous partagions un moment infini, le temps d'un instant.

Ça n'a duré que quelques secondes. Mais c'était comme à chaque fois que je le touchais : dans ma tête ça a semblé durer une éternité, et je sentais encore ses lèvres sur les miennes après m'être retirée.

Ses yeux aussi étaient remplis de larmes à présent.

Je me suis retournée.

M'éloigner de lui me faisait le même effet que si on m'avait arraché quelque chose de la poitrine. Parce que malgré les murs que j'avais érigé après l'avoir perdu à Hawaï, une part de moi ne l'avait pas encore abandonné. Une part de moi ne l'avait jamais abandonné, jusqu'à cet instant où je me suis lentement dirigée vers la porte.

Et cette fois c'était fini.

Dès que je me suis détournée de lui, j'ai su que je devais sortir. J'étais à la limite de m'effondrer sur le champ, dans cette pièce avec lui, mais j'ai pu retenir le premier sanglot jusqu'au couloir.

Alors les larmes se mises à couler à flots, mes mains tremblaient et j'avais les jambes en coton, mais j'ai couru malgré tout.

Oh mon dieu, oh mon dieu. Mes doigts sont venus toucher mes lèvres, qui avaient touché les siennes quelques instants auparavant, et tout autour de moi était devenu flou quand c'est soudain sorti de ma bouche comme un cri étouffé.

« Je t'aime. »

J'ai poussé la porte et j'ai trébuché dehors, le masque toujours à la main. Me retrouver à l'air libre n'a pas été un soulagement : j'avais l'impression que quelqu'un venait d'enrouler une couverture bien chaude autour de moi. Je ne pouvais toujours pas respirer. C'était la nuit la plus chaude depuis le début de l'été, et c'était la dernière chose dont j'avais besoin à ce moment-là.

J'ai regardé vers la maison, puis j'ai décidé qu'il fallait que je me sorte de là. Ça faisait une marche de vingt minutes jusqu'à chez moi, mais je ne me sentais pas le courage de retourner à l'intérieur, de toute façon. Je ne pouvais pas.

J'ai commencé à marcher, sans me soucier de mon sac à main ou de mon manteau. Je savais que Ginny me les rapporterait, mais il y avait une chose...

« Jennifer ? »

J'ai rejeté ma tête en arrière ; Alex se tenait dans l'allée, à côté de la voiture du père de Colin. Il avait retiré son masque et ses cheveux semblaient plus bouclés que jamais.

Il a fait quelques pas hésitants, mais il s'est arrêté à une quinzaine de mètres de moi.

« Est-ce que tout va bien ? Est-ce que tu vas bien ? »

J'y ai réfléchi pendant une seconde, mais je savais que je ne pourrais pas le duper étant donné que j'avais toujours les larmes aux yeux. J'ai secoué la tête, puis j'ai couru vers lui. Il m'a attrapée quand je suis arrivée à sa hauteur.

« Hey, qu'est-ce qui se passe ? » Il m'a entourée de ses bras en soutenant l'arrière de ma tête, caressant mes cheveux tout doucement. « Je me suis inquiété quand j'ai vu que tu mettais si longtemps avec les boissons, alors je suis parti à ta recherche. Où étais-tu passée ? »

« J'avais besoin de prendre l'air, » ai-je dit.

« De prendre l'air ? Est-ce que tu étais sur le point de rentrer chez toi à pieds ? »

« Oui. » J'ai relevé les yeux vers lui alors que d'autres larmes roulaient le long de mes joues. Il a froncé les sourcils, et j'ai bien vu qu'il essayait de rassembler les morceaux.

« Il y a un mec là-dessous ? » a-t-il demandé.

J'ai hoché la tête.

Ses sourcils se sont redressés quand il a fait le lien. « Colin ? C'est lui le type - »

« Oui. » J'ai fermé les yeux et j'ai soupiré tandis qu'il se servait de ses deux pouces pour essuyer mes larmes. Quand j'ai relevé les yeux vers lui, il me souriait.

« Ok, qu'est-ce que tu dis de ça : on rentre chez toi, tu enfiles un pyjama tout doux et on regarde un film. Avec des trucs à grignoter. »

« Et à boire. »

« Non, » a-t-il dit, à ma grande surprise, mais le sourire sur son visage s'est encore élargi. « Je n'ai pas l'intention de te saouler pour notre second rendez-vous. Et je n'ai pas l'intention de te laisser te saouler non plus, parce que ce n'est pas la solution à ton problème. »

Je savais qu'il avait raison. « Ok. »

« Ok ? »

« Oui. »

« Ok. Alors je vais chercher tes affaires et appeler un taxi. »

***

J'ai attendu sur le trottoir le temps qu'Alex rentre pour récupérer nos affaires. J'aurais cru que je me sentirais coupable de l'emmener avec moi, mais bizarrement non. Et ce n'est que lorsqu'il est ressorti en courant que j'ai compris pourquoi : Alex était un ami, et j'avais besoin de lui en ce moment. Je faisais simplement ce que mon instinct me disait de faire.

J'ai souri en prenant mon manteau et mon sac à main. On s'est assis sur le trottoir après qu'il ait appelé un taxi, et on attendait depuis quelques minutes quand je lui ai pris la main.

« Quand on sera à la maison...Il faudra que je te raconte. Pour lui. »

Il a serré ma main. « Seulement si tu veux- »

« La dernière fois j'étais convaincue que ce n'était absolument pas tes oignons, » ai-je dit, « Mais je ne veux pas que tu sois juste le gars qui ramasse les morceaux quand je m'écroule. Tu es venu de New York pour me voir, tu mérites mieux que ça. »

Ses sourcils se sont relevés sous le coup de la surprise, mais le coin de sa bouche s'est étiré pour former un sourire. « Ok. »

« Et puis j'en ai assez des secrets, en général »

Il m'a regardée pendant encore quelques secondes. Puis nous avons vu la taxi tourner au coin de la rue, et Alex m'a aidée à me relever quand il s'est arrêté devant nous.

« Après vous, Milady. »

The First Flight [FR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant