Chapitre 32 ❀ Si c'était non

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C'était donc ça. La raison pour laquelle il était retourné en Irlande, même après avoir parlé de nous à mes parents. La raison pour laquelle il ne pouvait pas m'embrasser, même s'il en avait envie.

Toute la salle a explosé en cris et en applaudissements, mais je ne pouvais rien faire ; j'ai abaissé mon masque sans m'en apercevoir, une sensation de froid glacial se répandant dans ma poitrine. Mais il n'y avait toujours que lui et moi, parce qu'il soutenait toujours mon regard. Et puis la chose la plus étrange au monde s'est produite.

Colin a ignoré tous ceux qui s'approchaient pour le féliciter. Il n'a pas prêté attention à qui que ce soit et il s'est précipité en bas des marches, fendant la foule comme s'il n'avait plus conscience de rien autour de lui. Juste avant de m'atteindre, il a arraché le masque de son visage.

Alors il n'y avait plus de distance entre nous.

« Viens, » a-t-il dit.

Je n'ai même pas réfléchi et je l'ai laissé me prendre la main ; je savais que Ginny nous regardait, mais tout est arrivé si vite que personne d'autre n'a semblé remarquer ce qui se passait. Colin faisait des signes de tête à tous ceux qui lui tapaient dans le dos au passage, mais il n'a pas lâché ma main une seule fois.

Jusqu'à ce qu'on se retrouve dans le couloir glacial, où il a ouvert la porte du bureau. Au moment où on est entrés et où il a fermé la porte derrière nous, les mots ont jailli de ma bouche sans que je puisse les arrêter.

« Alors c'est pour ça que tu ne m'as pas adressé la parole pendant trois mois ? Parce que tu étais trop lâche pour me dire que ta femme était enceinte ? Tu ne crois pas que ç'aurait été la moindre des choses ? Tu aurais au moins pu me prévenir avant de décider de lâcher une bombe pareill- »

« Jennifer. »

«Il y n'a pas de Jennifer qui tienne. » C'est à peine si je pouvais le regarder, parce que je ne supportais pas l'expression sur son visage. Et c'était plus facile de pousser une gueulante que d'admettre mes vrais sentiments. « Tu le savais ? »

« Je savais quoi ? »

« A Hawaï. Tu le savais ? »

Il a vivement secoué la tête, en faisant un pas vers moi. « Bien sûr que non. Tu penses vraiment que j'aurais p- »

« Je ne sais plus quoi penser, Colin. » Je me suis mordu la lèvre inférieure, sans trop savoir si c'était pour contenir ma colère ou mes larmes. « Tu sais, je suis contente pour toi. J'espère vraiment que toi et Helen allez vous en sortir. »

Il avait l'air presque aussi furieux que je l'étais quand il s'est approché de moi.
« Jen, je sais que j'aurais dû te le dire plus tôt. C'est juste que je ne savais pas comment- »

« J'ai rencontré quelqu'un. »

Il s'est immobilisé, la colère quittant presque instantanément son visage.

« J'ai rencontré un type à New York, » ai-je répété, la mâchoire serrée, en le regardant bien en face. Mais plus je parlais, plus je sentais ma propre colère s'évaporer. « Il s'appelle Alex, et il est gentil, et attentionné, et il ne penserait même pas à- »

« J'ai une question pour toi, pour une fois. »

J'ai fermé la bouche d'un coup. J'avais l'impression que ma tête allait exploser, et mes mains tremblaient à présent, mais ce n'était plus de la colère.

Il a fait un dernier pas vers moi, jusqu'à être si proche que je pouvais distinguer la moindre petite parcelle de vert dans ses yeux.

« Est-ce que tu m'aimes ? »

Mes lèvres se sont entrouvertes et un dernier souffle m'a échappé alors que je le fixais des yeux, figée, jusqu'à ce que sa question me frappe de plein fouet. Il me fixait lui aussi, avec une expression si intense dans le regard que j'aurais été incapable de reprendre mon souffle, même si je l'avais voulu.

Je savais qu'il me posait cette question à cause de ce que j'avais dit quand nous étions chez Josh et Ginny, il y a cinq semaines de ça. J'avais dit que je n'avais jamais été amoureuse.

Il a contracté la mâchoire et serré les poings. Il ne flanchait pas le moins du monde.

« Si tu me dis que tu ne m'aimes pas, je te laisserai partir. »

Ça n'avait aucun sens. Je le savais, mais quelque part au fond de mon cerveau ça en avait, et j'étais si troublée que je n'ai même pas remarqué ma larme en train de former, jusqu'à ce qu'elle coule de mes yeux.

Tout ça était si injuste. Il me mettait en pièces avec cette question, et j'ai vu à la lueur dans ses yeux qu'il commençait à regretter de l'avoir posée, mais je me suis rappelée que je n'avais pas le choix.

Quelque chose qui ne sera jamais à moi.

« Je t'aimais. »

The First Flight [FR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant