31 - "Je ne suis plus rien sans Hunter"

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Le reflet que renvoie mon miroir est méconnaissable. Je ne reconnais plus la fille qui s'y contemple. Des cernes creusés, la peau pâle, les yeux rougis, même le maquillage qu'elle a tenté d'appliquer ne l'embellit pas.

Elle n'est plus que l'ombre d'elle-même, un fantôme translucide et vidé de toute émotion.

Elle a perdu le garçon qu'elle aimait, elle a tué quelqu'un. 

J'ai tué quelqu'un. Sur le coup, j'ai vraiment cru que ça me libérerait, mais quand la police est arrivée et que j'ai dû rejoindre mes parents et me changer en vitesse pour ne pas être reconnue, je me suis rendue compte de ce que j'avais fait. J'ai ôté la vie à quelqu'un. Et de la pire des manières. Les cris du Manipulateur résonnent encore à mes oreilles tandis que, dès que je ferme les yeux, je revois Hunter rendre son dernier souffle. 

Je n'arrive plus à rien supporter. Je me sens accablée d'un poids insurmontable. Et ça fait déjà dix jours que ça dure. Dix jours que j'essaie sans succès de me reconstruire, que j'essaie de trouver une raison de me relever. Dix jours que Liv vient me tenir compagnie l'après-midi, alors que mes parents sont contraints d'aller au travail. Dix jours que je reste plantée sur mon canapé et dans mon couloir à regarder dans le vide, à me remémorer chaque instant passé avec Hunter. Je n'ai pas la force de pleurer, je suis devenue une coquille vide. 

Je ne décoche presque pas un mot depuis dix jours, j'ai l'impression d'être tombée en enfer et un trou béant me creuse la poitrine. Mon cœur est tombé en cendres en même temps que le meurtrier d'Hunter. Je ne le sens plus battre dans ma poitrine, je me demande encore comment mes veines peuvent encore pulser, comment le pouvoir qui me consume peut encore se déplacer dans mon organisme. 

Je n'ai pas déployé un seul champ de force, pas généré une seule boule d'énergie depuis ce jour funeste. Outbreak n'existe plus. Evy n'existe plus. Mes gestes sont devenus des automatismes, mon sourire n'éclaire plus mon visage.

Je ne suis plus rien sans Hunter.

- Ma puce, on va y aller.

Je me tourne vers ma mère. Elle aussi est vêtue d'une longue robe noire. Elle s'est attachée les cheveux, quelques mèches corbeau retombent dans son dos. Elle est belle.

Moi je n'y arrive plus. Mes cheveux sont négligemment lâchés sur mes épaules et j'ai eu du mal à me maquiller, comme si c'était devenu inconnu pour moi. 

Mon frère arrive en trombe, il se débat avec sa cravate et la montre à ma mère qui sourit tristement et l'aide à s'habiller.

- Allez Outbreak, Papa dit qu'on doit y aller.

Je regarde mon petit frère, encore surprise du nouveau surnom dont il m'affuble. Ma mère regarde mon placard par réflexe. Elle sait qu'il est là, mon costume. Elle sait que je ne l'ai pas renfilé depuis que je leur ai appris qui j'étais.

Quand nous sommes rentrés, mes parents m'ont avoué se souvenir d'absolument tout. Ils se sont fait examiner, moi également, mais j'ai insisté pour renter avec eux malgré mes blessures. Je n'ai pas eu d'autre choix que de leur expliquer. Ils m'ont vu les sauver, ils m'ont vu me battre contre Saint-Germain, ils m'ont vu épuisée par mon combat, ils m'ont vu tuer l'auteur de tous nos malheurs. Etrangement, ils ont plutôt bien réagi. Ma mère m'a même avoué qu'elle le savait déjà. Il paraît qu'elle a vu mon costume dans la machine un jour par mégarde. Elle a aussi dit qu'elle reconnaîtrait toujours sa fille, quoi qu'elle fasse, qu'importe si elle se déguise. Jo a été rapidement au courant. Il hurle de partout que sa sœur est une super-héroïne Heureusement que les gens ne croient jamais les délires d'un petit de quatre ans. 

Il y a trois jours, lors d'un repas, je me suis effondrée. J'ai vidé toutes les larmes dont je disposais et je me suis endormie dans les bras de ma mère et de James. Alors que je sanglotais encore, je leur ai demandé s'ils m'aimaient toujours malgré ce que j'avais fait, si je les avais déçus.

Ils m'ont assuré que non. Et je les crois. Ma mère m'a certifié que je n'étais pas une meurtrière, qu'il le méritait d'une certaine façon et que c'était la seule manière que j'avais trouvée pour exprimer ma douleur.

J'aimerais dire que je suis soulagée qu'ils sachent dorénavant toute mon histoire. Mais je n'arrive pas à être heureuse, l'obscurité m'enveloppe toute entière. Je ne me sens plus capable de ressentir ne serait-ce qu'un seul sentiment positif. 

J'inspire profondément et suis ma mère et mon frère dans le salon. Nous nous chaussons et sortons. C'est une belle journée. Ensoleillée, chaude, sans un seul nuage. Des enfants rient et sautent autour de nous. J'aimerais leur hurler d'arrêter, leur hurler que ce n'est pas une belle journée, mais qui serais-je alors ? Ma peine est immense; mais elle n'appartient qu'à moi.

Nous montons dans la voiture et James démarre. Soudain, alors que mon regard est perdu dans le vague, la petite main de Jo se pose sur mon avant-bras. Mes poils se dressent sur ma peau.

Je tourne la tête vers lui et il m'adresse un sourire adorable.

- On va dire au revoir à Hunter ? me demande-t-il.

Mon cœur s'arrête dans ma poitrine. Ma mère se tourne, stupéfaite. Je relève des yeux brillants sur elle, puis repose mon regard sur mon frère. Je me force à afficher un mince sourire.

- Oui, on va lui dire au revoir. Tous ensemble.

Je n'ai pas eu le courage d'assister aux funérailles, nous avons seulement rejoint les invités au cimetière. Quand je vois les larmes de Lyla, de son père et de sa mère, mon cœur se brise un peu plus. Nous nous plaçons à côté d'eux et ma mère les sert dans ses bras, James se contente de serrer la main de l'Agent Dillon et je m'approche, ne sachant pas réellement quoi faire. Sans crier gare, monsieur Dillon m'attire contre lui et me serre à m'en étouffer. Il étouffe un sanglot et se décide à me lâcher. 

Le pasteur se met à faire un petit discours, mais je ne l'entends presque pas. Je regarde le cercueil descendre lentement sous terre. Je ne peux m'empêcher de penser que tout ça est de ma faute. J'aimerais dire à la famille Dillon que je suis la seule responsable, mais ce fichu secret me retient. Hunter n'aurait jamais dû apprendre que j'étais Outbreak. Peut-être que nous n'aurions jamais été ensemble, mais au moins, il serait toujours vivant. 

Je lis la pierre tombale, surprise de la trouver si belle :

"Ci-gît, un ami, un frère et un fils aimé

Hunter Erik Dillon 

24 Février 2000 - 4 Juillet 2017"

Je relève le regard, me sentant épiée. Au loin, une silhouette se découpe sous un arbre. Les yeux foncés de Peter croisent les miens et je reste immobile. Je ne l'ai pas revu depuis la bataille au Quartier des Finances, mais May a appelé ma mère plusieurs fois. Il reste enfermé dans sa chambre et est brisé. Brisé d'avoir tué Hunter, brisé de me causer tant de douleur. 

Je n'arrive pas à dire si je lui en veux. Il était manipulé, comment le pourrais-je ? Au fond de moi, je sais qu'il me manque, tellement que j'ai envie de lui hurler de nous rejoindre, or une partie de moi me rappelle que ce serait injuste vis-à-vis d'Hunter.

Alors que mon choix n'était pas encore fait entre eux deux, le destin l'a fait pour moi. Mais maintenant que seul Peter est présent, je ne peux pas m'abandonner à lui. Parce qu'Hunter est mort et que j'aurais l'impression de le trahir. Je sais, trahir un mort est impossible, néanmoins pour le moment, je ne peux pas parler à Peter. Je souffre trop.

Peter s'éloigne alors, il disparaît dans l'ombre, comme gêné d'être là. 

Je reporte mon attention sur le pasteur. Il termine son discours et cette fois-ci, il a toute mon attention. Parce que même si je suis brisée, même si je suis morte de l'intérieur, il arrive, durant une petite seconde, à me redonner espoir pour l'avenir.

- Hunter sera toujours dans nos cœurs, mais la douleur disparaîtra un jour. Parce que, comme disait Victor Hugo, mes enfants. Even the darknest night will end and the sun will rise...*

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* Même la nuit la plus sombre prendra fin et le soleil se lèvera


Outbreak Tome 2 ► Marvel ✓Où les histoires vivent. Découvrez maintenant