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- Saïd.
- Saïd : Hmm...
- Est-ce que ça t'arrives parfois d'avoir des regrets ?
- Saïd : Des regrets pour quoi ?
- Pour ce qu'on a fait.
Il se redresse du lit de façon à pouvoir me regarder dans les yeux.
- Pour... tu sais, notre vie.
- Saïd : Moi je regrette rien. Et toi ? T'as des regrets ?
- Nan... pas forcément. Je me demande juste comment ça aurait été si je n'avais jamais déménagé. Peut-être que ma mère serait encore en vie, peut-être que ma famille ne m'aurait pas tourné le dos, peut-être qu'on serait mariés.
- Saïd : C'est ça qui t'embête ? De ne pas être mariés ?
- Non. C'est pas ça c'est... je sais pas. T'as pas l'impression qu'à un moment de notre vie, tout est parti en couilles ? Je veux dire... je regrette pas du tout d'avoir eu Hâlim, il est la plus belle chose qui me soit arrivée mais... je me demandais juste comment les choses auraient pu être si on avait fait des choix différent.
- Saïd : Ta famille te manque ?
- C'est pas que ça. On a presque 27 ans maintenant et... je sais pas.
- Saïd : La vie qu'on a là, je l'ai toujours voulu. C'est ce dont on a toujours rêvé Dou' ! Partir de la cité, vivre dans notre maison avec nos enfants. Il manque juste le chien et, ouais peut-être la bague au doigt.
- J'en veux pas de ta bague au doigt Saïd ! J'ai toujours rêvé de cette vie, c'est vrai. Mais je l'imaginais pas comme ça. Sans ma mère, sans ma famille, deux enfants hors mariage et une maison achetée avec de l'argent sale. C'est limite si on peut repartir à la cité Rose parce qu'il y a des gens là-bas qui veulent ta mort.
- Saïd : QUOI ALORS ?! OÙ TU VEUX EN VENIR ?!
- Pourquoi tout de suite tu cris ?! C'est ça que je te reproche, on peut jamais parler avec toi !
Je sors du lit et enfile mes vêtements. Puis je fouille dans les tiroirs de la commode pour trouver des pilules.
- Saïd : Pourquoi tu prends encore la pilule ? Tu veux plus d'enfants ?
- On a déjà Hâlim et Milla qu'est-ce que tu veux de plus ?!
- Saïd : Dounia, qu'est-ce t'as là ?
- Rien ! Je vais à la boulangerie occupe toi de tes gosses !
Je sors de la chambre pour enfiler mes chaussures et ma veste. Je prends les clés de ma voiture quand j'entends des pas dans l'escalier. Je me tourne et vois Milla.
- Milla : Tu vas où maman ?
- Chercher le petit déjeuner. Va voir ton père d'accord ? Il va te recoucher.
- Milla : Mais Hâlim il m'a poussé !
- Dis-le à... souffle J'arrive.
Sous son regard inquiet je sors de la maison. Je grimpe dans ma voiture et démarre. Je m'arrête devant la boulangerie mais ne sors pas. Je pose ma tête sur le volant et m'écroule en larmes. Pourquoi je pleure ? Je ne sais pas, c'est bien ça le problème ! J'avais rêvé de ça toute ma vie mais maintenant que j'y suis je me rends compte que je ne suis pas heureuse. Pourquoi ? Qu'est-ce qui cloche chez moi ?
Après le retour de Saïd, j'ai pris du temps à décider d'aller vivre à Montpellier avec lui. J'ai eu du mal à dire au revoir à ma cité pour cette cité pavillonnaire. C'est fou parce que c'est pas comme si j'avais tant d'attaches que ça à la cité Rose. Au contraire, j'aurais du être ravie de pouvoir me reconstruire ailleurs mais ça n'a pas été le cas. Puis, j'ai fini par accepter. Nous sommes partis vivre à Montpellier ensemble avec Saïd et Hâlim. Tout se passait super bien, je suis même tombée enceinte à nouveau et d'une fille cette fois. Nous l'avons appelés Milla.
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Nos cœurs noircis, les épreuves nous ont trop endurcis
General FictionDepuis l'abandon de son père, Dounia et sa mère vivent difficilement. Coincées dans leur HLM à la cité, elles se démènent comme elles peuvent pour survivre face aux inégalités, injustices et aléas de la vie. Et lorsque la mort survient dans leur quo...