- Maman ! Maa-maan !!
Annie lève les yeux au ciel en souriant vers John et se lève de son fauteuil. John, habillé et prêt à sortir, feuillette un magazine dans le canapé du salon. Du fond du couloir, il entend le désespoir théâtral de son fils et la voix rassurante de sa femme. Bruce ne retrouve pas sa côte de mailles et menace de boycotter la fête de l'école.
Quelques minutes plus tard, le drame est passé et des pas métalliques résonnent au ralenti dans le couloir, puis s'arrêtent sur le pas de la porte.
- Il a enfilé son déguisement ridicule, et il attend que je l'admire, pense-t-il avant de tourner la tête.
John tourne la tête et hausse les sourcils. Son fils, engoncé dans un costume de chevalier trop petit, se tient raide, rouge et tout fier. John s'exclame et félicite le petit Bruce, qui, pour toute réponse, dégaine maladroitement son épée de bois.
- Voilà de quoi chasser les mauvaises langues ! rajoute son père.
Plus tard, sur scène, la princesse se pâme, devant les mines patibulaires des assaillants du donjon. John a perdu le fil depuis un moment, tandis qu'Annie, toute excitée, lui envoie un violent coup de coude dans les côtes.
- Il est là, regarde, derrière le rideau !
John se tord le cou, scrute la scène. Rien. Puis, une bosse déforme le rideau, et enfin des coulisses jaillit un amas de tissu brun ficelé dans du fil de fer. Bruce rajuste son heaume de guingois et John reconnait enfin son fils. Ce dernier se tourne vers la salle, et d'une voix tonitruante, déclame son texte sans regarder la princesse. Les assaillants tentent de simuler un combat mais Bruce ne s'intéresse pas à eux, trop occupé à pavaner face au public. Lassés, ils finissent par s'entre-tuer pour ménager la chute. Le prince a bien sauvé sa princesse, qui se jette à ses pieds et, en s'accrochant à la cape déjà mal en point, finit de ravager le costume lamentable. Les acteurs saluent puis se retirent, et Annie applaudit à tout rompre, embarquant contre son gré un public à moitié conquis dans une salve de rappel qui fait remonter la troupe sur scène.
Lorsque les acteurs se sont changés et rejoignent les parents, Bruce sort des loges en bombant le torse, comme une tête d'affiche. Sa mère se précipite, le couvre de baisers et lui colle un énorme cornet dans la main qu'il attrape distraitement, en star aguerrie. Léchant sa glace, la langue toute rose, Bruce cherche son père du regard et semble attendre les louanges paternelles qui tardent à venir. John, puisant dans ses talents de communicateur, enrobe un compliment de circonstance dans une chatouille dont seuls les pères ont le secret. Gloussant de plaisir, la vedette de la soirée déguerpit vers ses amis pour fêter son premier triomphe sur scène.
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Polar Shield
Science FictionEté 2031. Les milliardaires se sont réfugiés avec leurs familles dans l'espace, tandis qu'une pluie d'astéroïdes ravage la Terre. Trois ans plus tard, ils recolonisent la planète et ses survivants. Quatre pôles sont fondés, des mondes-cités où les...