Polar Shield

18. 2089, à bord d'Arch One, au-dessus du Pôle Sud

- Dis, maman, c'est qui ces gens, là, en bas ?

- Ce sont des polaires, mon chéri.

- C'est quoi, un polaire ? dit Bruce, en enfonçant son index dans sa narine droite.

- C'est un pauvre que nous accueillons dans notre pôle, que nous logeons et nourrissons, et qui, en échange, travaille pour nous.

Les mains et le front plaqués sur le verre du Vaisseau, Bruce observe en reniflant. A ses côtés, Annie est assise dans un long fauteuil à accoudoirs, et joue avec les perles de son collier, le regard absent. Derrière elle, John, les mains dans les poches, regarde les quais du pôle.

- Annie, as-tu pris les coussins ?

- Mais oui, bien sûr, Concepción s'en est occupée. Tu sais bien qu'elle vérifie toujours sur sa liste quand elle remplit la soute.

- On l'a déjà vue oublier des choses, tête en l'air comme elle est. Et moi, m'assoir sur les galets sans mes coussins ...

- Ne t'inquiète pas, tu vas pouvoir faire ta sieste à l'ombre de ton grand pin... Dit Annie, le sourire en coin.

Bruce a ouvert des grands yeux et tendu son doigt qui décrit un arc de cercle sur la vitre.

- Maaaman ! Paaapa ! Regardez, un polaire vieux !

- Ah oui, tiens, c'est étrange, on a du mal à imaginer qu'il puisse encore servir à quelque chose, celui-là... Répond Annie en fronçant les sourcils.

- Enfin, voyons, Bruce, il est normal de vieillir, et dans son cas, ça prouve qu'il est plus malin que les autres...

- Est-ce qu'ils sont tous aussi petits que lui ?

- Ils te paraissent petits parce que tu les vois depuis notre Vaisseau, mais si tu étais avec eux sur le quai, tu verrais que....

- Mais enfin John, tais-toi, ne lui dis pas ça ! Annie s'accroupit près de Bruce. Mais non mon poussin, Papa plaisante, il ne faut surtout pas aller au milieu du quartier polaire. Ces gens-là peuvent être très agressifs, surtout s'il n'y a pas de milice dans les parages...

Bruce blêmit et sa lèvre inférieure se met à trembler.

- Maman, j'ai peur, je veux qu'on s'en aille d'ici !

- Mais oui, mon amour, regarde le Vaisseau est déjà loin d'eux. Tu vois, là-bas ? c'est l'île du Levant, où on va déjeuner d'habitude, tu sais ? On y sera dans dix minutes, ça va être chouette, tu verras.

En silence, John soupire et se détourne. Il enfonce profondément les poings dans ses poches et se cale contre le montant du Vaisseau, les jambes croisées. Le regard au loin, il fait tourner une petite toupie entre les doigts de sa main droite.