Polar Shield

42. Hiver 2109, dans l'archipel polaire du Pôle Sud

Les bras chargés, Zhao remonte l'avenue, en observant le ballet des messages. Le long du trottoir, un slogan de révolte apparait, comme pulvérisé sur le mur. Immédiatement, le système anti-tag du pôle le recouvre informatiquement d'une projection neutre. Quelques mètres plus loin, un hologramme exhortant les polaires à prendre le pouvoir s'enroule autour d'une borne d'incendie, mais le brouillage holographique qui se déclenche instantanément ne le masque qu'à moitié. Le logiciel du service propagande aurait visiblement besoin de quelques améliorations, note-t-il. Mais ça n'est pas mon problème, ils n'ont qu'à se débrouiller. Et puis je ne suis pas payé pour ça, se dit-il en cherchant ses clés.

- Maman, je suis là, crie-t-il en claquant la porte avec le pied.

Il dépose le sac en papier rempli des courses, et sort une bouteille de lait dont il détache l'opercule et boit une gorgée. Il en verse un verre, sort quelques biscuits qu'il dispose dans une assiette, place le tout sur un plateau et va dans la chambre. Wi Lu est toute petite au cœur du grand oreiller, et on dirait qu'elle dort. Mais au centre de ses petits yeux plissés, une faible lumière persiste.

- Tiens, je t'ai ramené une galette au beurre. Celle que tu préfères. Ah, et... tu sais, je suis passé au bureau des admissions, ils devaient nous envoyer une réponse... En fait, ils ont trop de demandes, et elles sont triées par ordre d'arrivée, alors forcément, pour le moment, ils n'ont pas dû avoir le temps de...

Wi Lu serre la main de son fils pour abréger sa gêne. Pour tout discours, elle lui sourit, elle sait, et il n'a pas besoin de lui mentir.

- Enfin, bref, il n'y a plus de place à l'Hôpital Dominant. Les salauds ! Ils savent que tu as travaillé deux étages au-dessus pendant vingt ans ! Mais non, ils n'ont pas de place, la liste d'attente pour les polaires est d'environ quatre ans, voire plus longue en cas urgence... En cas d'urgence chez les nantis, oui ! Enfoirés de riches ! Mais moi, je voudrais tellement que tu ailles bien... bafouille Zhao, en pleurs, inondant de larmes les petites mains sèches de sa maman.