Un glisseur noir se range dans un sifflement feutré le long d'une rangée de maisons basses. Dehors, le vent hurle et la pluie est battante. Une porte coulisse le long du véhicule et deux gardes descendent, ils courent vers une maison puis l'un d'eux tambourine à la porte, en criant quelque chose. On leur ouvre et ils disparaissent à l'intérieur, puis après quelques instants ressortent et se postent au garde-à-vous sur le pas de la porte. Un troisième garde sort alors du véhicule, portant un auvent rigide qu'il peine à maintenir droit sous les rafales. Une longue silhouette masquée descend précautionneusement les marches et franchit à petits pas les quelques mètres qui la sépare de la maison, protégée sous le auvent du garde qui l'accompagne.
- Bonjour, Madame la Prési...
- Madame, Veronica, seulement Madame. Il me semble avoir toujours été claire sur ce point.
- Oui, bien sûr, Madame, veuillez m'excuser.
L'hôte serre furtivement la main gantée de son invitée, qui la retire en se détournant, et fait une rapide inspection de l'intérieur modeste.
- Quel est son état ? Demande la dame en retirant son masque.
- J'ai bien peur qu'il ne s'améliore pas vraiment, Madame.
- Mange-t-elle correctement ?
- Non hélas, elle a encore perdu du poids, elle refuse souvent la moindre nourriture. Hier soir, Kate a tout jeté par terre et s'est enfermée dans sa chambre. Elle n'en est pas ressortie depuis. C'est à chaque fois pareil... A chaque fois que vous venez...
- Je me passe de vos commentaires ! crie la grande dame, furieuse, en se retournant brusquement.
Puis, d'une voix de glace soudainement basse, elle reprend presqu'aussitôt.
- Continuez.
- Pour les sorties, j'ai fait comme vous m'avez demandé. Depuis un an, Kate ne sort que pour aller au lycée et le soir, c'est couvre-feu à dix heures, porte fermée à clé. Après les premiers temps, vous vous souvenez, où elle me cassait tout dans sa chambre, on dirait qu'elle s'est fait une raison. Enfin, pas tout à fait, car elle ne nous parle plus... Et elle ne répond pas non plus quand on lui parle à travers la porte. On dirait que c'est sa manière de nous le faire payer...
- Et ses... crises ?
- Ah ça, oui, ses crises, elles sont plus fréquentes, on dirait qu'elle ne peut plus se contrôler. Elles peuvent démarrer sur un détail, le pli d'un chemisier qui est mal repassé, un stylo qui manque dans sa trousse, et ça monte, ça monte... Oh, Madame, je ne sais pas combien de temps je pourrais encore supporter ça... bredouille la femme, en larmes.
- C'est justement pour ça que je vous paie, souvenez-vous-en, réplique sèchement la dame.
Du fond de la petite pièce, un hurlement retentit dans toute la maison.
- J'en veux pas de ton putain de fric, espèce de salope ! Ordure !
La maîtresse de maison, entre deux sanglots, jette un regard apeuré à la dame qui s'est raidie, comme transpercée par une volée de flèches.
- Ne l'écoutez pas, Madame, c'est pas contre vous, elle me dit encore pire quand ça va mal...
Lentement, la dame approche son bracelet de celui de la femme en pleurs et presse l'écran. En reniflant, la femme murmure des remerciements, tandis que sa visiteuse se dirige vers la porte. Elle se retourne avant de quitter la maison.
- Ne me remerciez pas, c'est pour elle que je suis là. Tâchez d'être à la hauteur et de respecter mes consignes. Au revoir.
Tandisqu'elle rejoint d'une démarche pressée le glisseur banalisé, les bourrasques devent emportent un hurlement de bête, et elle préfère penser, en s'installantdans le fauteuil de cuir, que le cri sauvage dans la tempête n'était pas celuide Kate.
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Polar Shield
Ficção CientíficaEté 2031. Les milliardaires se sont réfugiés avec leurs familles dans l'espace, tandis qu'une pluie d'astéroïdes ravage la Terre. Trois ans plus tard, ils recolonisent la planète et ses survivants. Quatre pôles sont fondés, des mondes-cités où les...