48. Hiver 2110, dans un club de boxe du Pôle Sud

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A genoux, Zhao suffoque. Les gants en appui sur le ring, il cherche sa respiration. A chaque fois, c'est la même histoire. Il va à la salle tous les deux jours en moyenne. Sur le trajet, il marche vite, il court presque, trépignant d'impatience. Pendant l'échauffement, Zhao éprouve cette sorte d'euphorie du début de séance, où il se sent puissant, inépuisable, élastique, pour un peu il se mettrait à sprinter tellement le rythme lent de la petite foulée l'agace. Puis les exercices se succèdent, le shadow, les prises au sol, les esquives, les enchaînements pieds-poings, et le rythme s'accélère. Et lorsqu'il commencera à sentir la brûlure dans les muscles, le souffle court, Otto lui tendra les paos. Et il sait bien qu'Otto ne lui laissera aucun répit, qu'il essaiera de crier grâce, mais que rien n'y fera. Otto le poussera au-delà de ses propres limites. Et le pire, c'est qu'il aime ça.

Son entraîneur lui donne un coup de pied dans les côtes qui l'envoie rouler sur le côté.

- Allez, mon gars, on se relève. Non mais regarde-toi ! On dirait un clochard.

Zhao se redresse péniblement et esquive de justesse un crochet du droit.

- Allez, du nerf, défends-toi, allez, encore, encore, plus fort ! Non mais t'es sérieux ? J'ai dit plus fort, même ma grand-mère elle tape plus fort !

La rage au ventre, Zhao grogne et enchaîne les attaques, repoussant son coach vers le bord du ring. Otto sourit et lève les bras.

- Bon, OK, va boire un coup, deux minutes de pause.

Assis sur le banc, la tête entre les épaules, Zhao reprend son souffle et regarde à travers la salle.

- Ben n'est pas là, aujourd'hui ?

- Non, il a prévenu qu'il avait un empêchement, une intervention au garage, je crois. Tu viens jeudi ? On fera du renforcement musculaire et on travaillera l'explosivité.

- Oui, je serai là.

- Bon, cool. Allez, on s'y remet ?

LorsqueZhao sort du club, une heure plus tard, il fait nuit noire dehors, et l'airfrais qu'il inspire a un goût de délivrance. Il n'est plus pressé, il se sentbien, fourbu et rassasié, et pour rentrer chez lui, la capuche remontée sur latête et son sac en bandoulière, il va remonter les quais Est de l'îleprincipale, pour le plaisir de voir le ballet des lumières de l'Arche sur lasurface dansante des canaux. 

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