43. Printemps 2109, un Haut Carré au Pôle Ouest

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- Oui ? Ah, Lucy, entrez. Entrez, fermez la porte. Alors, dites-moi ?

- Monsieur le Président, je suis vraiment désolée, je ne sais pas quoi vous dire...

- C'est fini, n'est-ce pas ? Répond John, d'une voix étranglée.

- Hélas oui, Monsieur... C'est fini.

- Merci, Lucy. J'aimerais être seul, maintenant.

Seul, John soupire, croise les bras sur son bureau, enfouit sa tête et fond en larmes. Il pleure longtemps, bruyamment, sans retenue. Lorsqu'il relève la tête, le visage ravagé par les larmes, Il a la certitude qu'une moitié de sa vie, la moins longue mais la plus importante, est morte et enterrée.

Quelques jours plus tard, le Vaisseau aux ailes Emeraude et Argent atterrit sur la piste du pôle Ouest. Les autres Vaisseaux sont déjà rangés sur les côtés de la piste ronde, leurs grandes ailes repliées. John rejoint la salle du Haut Carré juste avant que Manda n'entame la séance. Pendant la réunion, John parle peu, puis lorsque vient le tour des questions diverses, John annonce son intention de lancer un nouveau programme de recherche.

- Voilà. Nous voyons autour de nous de nouveaux virus se propager plus vite que nos stratégies de défense. Le temps de développement d'un vaccin, même avec les essais cliniques allégés que nous avons autorisés depuis quelques décennies, est toujours entre quatre et cinq ans. Beaucoup trop long pour réagir face aux multiples virus qui émergent chaque jour ! Heureusement, les nouvelles technologies vont nous permettre de développer un vaccin universel, capable d'immuniser un individu contre la plus grande partie des familles de virus répertoriées aujourd'hui. Et parce que l'avenir de l'Humanité passe par nos populations polaires, qui sont les principales victimes des virus émergents qui déciment leurs rangs, je veux que ce vaccin leur soit avant tout destiné, à un prix le plus abordable possible. C'est pourquoi j'ai décidé de lancer un nouveau projet, dont le nom sera « Polar Shield », le bouclier polaire.

- Eh bien, John, voilà qui est pour le moins inattendu ! rétorque Fayçal en haussant les sourcils. Ton intention est louable, je dirais même angélique, mais n'est-ce pas aller contre l'ordre des choses que de vouloir sauver en masse des vies polaires, alors qu'en même temps, l'article trois de notre Constitution Interpolaire établissant le maximum de la population polaire à un pour mille de la population mondiale de l'Ancien Monde, nous exilons tous les inutiles ?

- Et puis, ajoute Manda, tu oublies que la majorité des polaires n'a même pas assez de pollars pour se payer un appel holographique. Comment comptes-tu leur faire acheter ton vaccin ?

- Franchement, ricane Luis, c'est l'idée la plus stupide que j'ai entendue depuis un bon bout de temps ! Tu veux développer un machin pour des gens qui ne peuvent pas payer et qui, pour la plupart, ne servent à rien ? Et tu comptes sur ta femme pour financer ce projet ridicule, je suppose ? Dit Luis en se tenant les côtes de rire.

- Je préfère ne pas répondre. En tout cas, je peux vous garantir que, d'une manière ou d'une autre, le Conseil d'Administration du Sud votera et financera ce projet, et je me battrai pour que Polar Shield donne naissance à un vaccin à peine plus cher qu'un verre d'eau.

Luis s'est enfoncé dans le dossier de son fauteuil. Pensif, il plisse les yeux en écoutant les explications de John. Un sourire diabolique étend soudain sa bouche. Manda saisit son expression et se dit que ce rictus inquiétant n'augure rien de bon.

- Après tout, dit Fayçal presqu'à voix basse, pourquoi pas ? Tous tendent l'oreille, et se retournent vers le Président ben Hussein qui, le menton posé sur ses mains jointes, regarde dans le vide.

Polar ShieldOù les histoires vivent. Découvrez maintenant