23. 2096, Pôle Est, appartements des Madsen

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Dans la chambre presque noire, seule la lampe d'architecte illumine le bureau recouvert de livres et de papiers. Le dos vouté d'un jeune homme est penché sur les cours, et le monologue de sa voix est incessant. Dans son dos, sa mère entre sur la pointe des pieds mais il l'entend quand même, il ne se retourne pas et continue de réciter. Tout d'abord, elle reste quelques instants dans son dos, puis lui passe la main dans la nuque et l'embrasse tendrement. Il lui tend une joue distraite, elle lui demande s'il n'a besoin de rien, il hoche la tête sans s'arrêter, sa mère se retire en silence. Elle le couve du regard une dernière fois avant de refermer la porte derrière elle.

Plus tard, le jeune homme récite encore lorsque son père entre à son tour. Au son de la main sur la poignée, le jeune homme s'est imperceptiblement tassé, plus penché que jamais sur ses feuilles. Son monologue devient rapide, comme plus convaincu. Lorsque son père lui serre l'épaule d'une poigne protectrice, il ne peut réprimer un frémissement avant de se reprendre.

- Alors, ça avance ?

- Oui, papa, je suis content, je suis bien à jour dans mon planning de révision.

- Etre à jour ne suffit pas, Kjeld, c'est en avance qu'il te faut être. Toujours un temps d'avance, c'est ce qui fera de toi le dirigeant que tu dois devenir un jour.

Kjeld s'est levé et fait maintenant face à son père.

- Mais, papa, j'ai déjà travaillé tellement dur, je me demande bien comment...

- Ne te demande pas comment, fais-le ! C'est simple, tu es un Dominant et tu t'appelles Madsen, cela ne te laisse tout simplement pas le choix. Alors sois meilleur que les autres, et ne te pose aucune autre question. Tu sais que tu dois y arriver, alors ne nous déçois pas !

Droitet raide, le Directeur Général dévisage son fils. Dans leurs yeux, le même bleuacier. Il lui ressemble tellement, et pourtant... Plus grand et plus mince, sonfils ne fait toujours pas le poids. Mal à l'aise, le jeune Kjeld cherche uneposture face à l'autorité qui déborde de son père. Sans un mot, Stig lui tapotela joue, mais dans son sourire froid le jeune homme lit plus de menaces que deréconfort. Longtemps après que la porte se soit refermée, Kjelf s'affale danssa chaise, et croise ses pieds nus sur le tapis. Sur son bureau, les montagnesde cours, ses alliés jusqu'ici, sont devenus des remparts. Comment les vaincreavec assez de gloire ? Il soupire, remonte la jambe contre son buste, etdu bout de l'orteil, pousse la pile de feuilles qui s'éparpille au sol comme unjeu de cartes sur le tapis vert du croupier. Les jeux sont faits, rien ne vaplus, marmonne le garçon.    

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