39. La femme a les cheveux longs, et la langue plus longue encore

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- Javannah -

Julia se contorsionne devant le miroir pour admirer sa nouvelle coiffure.

- T'as bien fait de m'écouter, regarde comme tu es toute jolie !

Débarrassée de ses pointes plus qu'abimées, Julia arbore un superbe carré, mettant en avant la rondeur de son visage et le vert de ses yeux.

- Et arrête de vouloir les lisser, tes boucles sont très jolies, enchaîne Laurel. Dis quelque chose, Hannah !

La coiffeuse passe le balai. Les mèches cuivrées luisent sous les lumières jaunes du salon de coiffure.

- Ah... Euh, ça te va bien.

- Zander va adorer ! ajoute Laurel.

Julia passe à la caisse, le sourire aux lèvres, tandis que nous l'attendons dehors. Elle semble presque sereine, à croire que sa vision n'avait jamais eu lieu. Sa candeur a beau faire partie de son charme, j'ai de plus en plus de mal à supporter sa crédulité et son insouciance.

- Dis Aby, t'aurais pas fait quelque chose à tes cheveux ? Ils ont l'air plus foncé depuis quelques jours. Je dirais même qu'ils ont viré au noir.

Si Julia semble désintéressée par l'ampleur du danger qui plane sur nous, Laurel n'y pense pas plus. Celle-ci se contente de jouer les cupidons entre Julia et Zander, et l'a même convaincu de raccourcir considérablement sa chevelure.

Chevelure qu'elle avait volontairement laissée pousser, afin d'imiter Laurel, depuis l'école primaire, pensant que cela augmenterait ses charmes.

- C'est ma couleur naturelle, explique Abygaël en jouant avec une mèche, la coloration est presque partie.

- Comment tu te sens, en ce moment ? Tu ne prends plus tes compléments alimentaires.

L'interrogatoire de Laurel est trop flagrant. Sa curiosité n'a cessé de se manifester depuis que le comportement de notre quatrième colocataire a changé

- C'est vrai que t'as l'air fatigué. C'était énorme quand tu t'es pris la porte du salon de coiffure, tout-à-l'heure ! Bam !

Le rire atypique de Julia se fait entendre. Elle nous rejoint en se passant les mains dans les cheveux, goutant à la sensation nouvelle.

- Ah, oui, je ne l'avais pas vue... Oh, excusez-moi, balbutie la Mage en heurtant de plein fouet un passant.

Le jeune homme baisse la tête et continue son chemin, suivi de deux compagnons qui chuchotent entre eux. Sûrement des étudiants de l'université.

Abygaël.

Ses cernes ont doublé de volume depuis les dernières semaines, bien qu'elle soit toujours la première à se coucher et la dernière à se réveiller. Son état de fatigue est permanent, et c'est à peine si elle réussit la prouesse de monter les interminables escaliers du dortoir.

- T'as pas répondu. Ça va ? Dernièrement, on dirait que tu t'es... affaiblie.

Laurel est bavarde, très bavarde. Elle l'a toujours été. Mais personne ne lui a jamais fait le reproche, aussi étonnant que cela puisse paraître. Non seulement c'est une pipelette, mais elle est également indiscrète.

- Oui je vais bien, articule l'intéressée, mal à l'aise. Merci de poser la question, Laurel. Je sais que je passe de moins en moins de temps avec vous, mais c'est à cause du petit boulot que j'ai trouvé.

Elle consulte l'heure sur son téléphone, poussant un soupir crispé en voyant un message qu'elle a reçu. Est-ce en rapport avec son vrai métier, celui de Mage au service de l'Organisation ? Je plisse les yeux, en me penchant légèrement pour pouvoir déchiffrer les lettres à l'envers. Un certain Ni-

MemoriaeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant