38. Con

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- Jonathan -

- La vision de Julia, répète Abygaël, cette fois-ci avec plus d'hésitation.

Je détourne la tête, me mord la lèvre et tente de maîtriser toutes les pensées qui se bousculent dans mon esprit.

Le souffle sucré berce la cime des arbres, qui se balancent avec quelques craquements réguliers. Le sifflement du vent traverse les branches sans feuilles et empêche ainsi un lourd silence de se poser.

Je me racle la gorge.

- Elle, elle date de quand ?

De petits points lumineux commencent à percer le ciel de la nuit, décorant la voûte éthérée où la lune règne.

Plusieurs heures ? Plusieurs jours ?

- C'était il y a quelques...

La dernière fois que j'ai vu Julia, c'était hier.

Une soudaine bourrasque nocturne nous assaille sur le balcon marbré.

- ...semaines.

L'air givré attaque mes bras nus, provoquant une chair de poule incontrôlable.

Ou peut-être est-ce simplement une profonde déception qui me frigorifie. J'avais pourtant réussi à me détacher d'eux.

Alors pourquoi, pourquoi est-ce que je me sens trahi ? Un mélange de colère froide et de tristesse ardente me brûle les entrailles, me glace le cœur.

- Eh les gars ! La fête est finie. Venez nous aider à ranger. Il faut que tout soit impeccable pour demain matin !

Une jeune fille très enthousiaste nous chasse de la terrasse, on nous donnant des sacs poubelles à remplir.

Abygaël me retient par le bras. Les lèvres pincées, la tête légèrement penchée sur le côté, elle semble chercher ses mots.

- Excuse-moi, je pensais que tu étais au courant vu que Julia et toi êtes assez proches. Je suis un vrai boulet.

Son regard désolé ne fait qu'accroitre mon irritation.

Sans un mot, je me dégage d'un geste brutal en partant en direction de la table principale, là où le reste du club s'active. Elle me lâchera peut-être la grappe devant tout le monde.

Morcelé entre affliction et amertume, depuis les excuses bancales de la Mage, ce qu'il me restait de culpabilité s'amoindrit jusqu'à disparaître.

Nous nettoyons rapidement pour rentrer au plus vite aux dortoirs. Enfin, j'essaie. Accaparé par mes pensées sombres, je me laisse devancer par les autres. Je suis donc un des derniers à partir.

Ouais, j'ai merdé. Parce que je ne sais pas gérer mes relations. Mais ça n'aurait pas été si compliqué pour moi s'ils avaient été humains.

Il s'agit tout simplement du coup de grâce. Julia, celle en qui j'avais une confiance totale, ne se repose plus sur moi. Je l'ai cherché, j'ai pris mes distances. Je ne devrais pas me plaindre d'avoir perdu ma place.

Et bien sûr, la nouvelle confidente de Julia m'attend à la sortie de la bibliothèque.

- Tu ne m'as pas écoutée jusqu'à la fin, tout-à-l'heure, déclare-t-elle d'une voix dénuée de sympathie.

MemoriaeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant