- Anonyme -
Les quatre jeunes filles entrent dans la pizzaria en discutant. J'inspecte mon reflet dans la vitrine. La casquette de mon père et mes lunettes de soleil constituent mon déguisement de fortune. J'espère qu'elle ne me reconnaîtra pas. Je rentre dans le restaurant et choisi la table la plus proche de celle des filles.
Je les vois enfin de plus près : une brune, une blonde, une rousse et Aby. La rousse parle en faisant de grands moulinets avec ses mains. Combien de bracelets peut porter une si petite humaine ? Elle doit sûrement avoir des crampes aux bras en fin de journée, à force de les porter. Ou alors elle est née avec.
Après avoir vérifié que je n'ai qu'un vieux billet de 5, je commande une Margarita supplément fromage (eh oui! le monde est en crise, les enfants). Ma gourmandise attendra. Lorsque la serveuse s'en va, je m'applique à écouter attentivement leur conversation :
- Je t'ai quittée des yeux pendant deux secondes et paf ! Plus de Laurel !
- Tu sais bien que j'oublie le monde qui m'entoure quand je suis au téléphone, se défend ''Laurel''
A mon avis on devrait l'appeler Barbie, vu sa voix et ses mimiques. Elle porte même un débardeur rose.
- Bon, bref, coupe la rouquine. Où en étions-nous, Aby ?
Oui, où en étiez-vous, Aby ?
- Je ne sais pas par où commencer...
- Ta ville natale, par exemple, propose Barbie.
Oh je vois, c'est donc le moment des présentations... Intéressant.
- Euh... je crois qu'il n'y a pas grand-chose à dire à propos de mon enfance, à part peut-être le fait que j'ai vécu en Inde une majeure partie de ma vie.
Les filles paraissent absorbées par sa révélation. Même la brune qui n'avait rien dit jusque-là se manifeste :
- Et quand est-ce que ta famille et toi avez déménagé ici ?
- A vrai dire, je suis venue seule.
- Ça doit être dur pour toi, compatit-elle, ce nouveau pays et ses coutumes. C'était ta propre décision ? Ou bien c'est à cause de tes parents ?
Aïe. Moment crucial. Que vas-tu leur dire ?
- Eh bien... En vérité, je suis orpheline.
Un silence gênant s'installe. Je commence à me demander si elle a bien fait de leur dire la vérité. Ça n'aurait pas été si difficile que ça de le cacher. Soudain, Laurel prend la main d'Aby et lui sourit. Un sourire mielleux, dégoulinant. Quoi ? Comment ça, je suis jaloux ? Elle est jolie et alors ? Moi, je suis magnifique. Bref.
Son visage n'exprime ni pitié, ni tristesse. Elle paraît juste... compréhensive. Ce qui a l'air plutôt étonnant de sa part. J'ai beau juger sur l'apparence, mes prédictions se sont souvent révélées justes.
- Je suis vraiment désolée, de tout mon cœur, dit-elle. J'ai aussi perdu mes parents, tu sais.
C'est donc de la compassion que j'ai vu dans ses yeux. Les autres se taisent et c'est comme si le temps avait ralenti. Mais cette impression ne dure qu'une fraction de seconde. Car la petite rousse est bien trop curieuse :
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Memoriae
FantasiaLe jeune homme pose violemment le dossier sur la table. Table où reposent les charmantes chaussures de son interlocutrice endormie. Elle émet un grognement de protestation et s'étire. Puis ses yeux s'arrêtent sur le paquet de feuilles maladroitement...