- Julia -
Seuls les bruits secs de nos pas résonnent.
La démarche nerveuse d'Hannah, suivie par les petits pieds de Laurel. Ensuite le rythme las et trainant de Jonathan. Puis Zander, aux foulées géantes mais lentes, quelque part derrière. Et au fond, Aby, à côté de moi, dont une chaussure cogne régulièrement le trottoir, un caillou, ou son autre pied.
Enfin, mes propres jambes, aux genoux mous, à la stature maladroite.
Nous marchons en silence. Un silence artificiel, en complète opposition avec le vacarme qui règne mon esprit.
J'avais oublié. J'avais oublié la cacophonie des pensées qui m'entourent. C'est comme redécouvrir ce pouvoir à nouveau.
Des bruits parasites, jusque-là interrompus, emplissent mes tympans.
Telle une mouche bruyante, qui se tait un instant pour reprendre de plus belle, les pensées d'Abygaël vagabondent autant que son regard. Ses yeux, légèrement bouffis et rougis, passent d'un point à un autre. Ils s'éclairent soudain puis perdent aussitôt leur constance.
Je me tiens la main. La plaie est légèrement enflée, mais ce n'est pas la blessure qui me préoccupe. Je passe mes doigts sur mon poignet et mon coeur rate à nouveau un battement.
J'ai perdu un bracelet. Une amulette de Christian, un fil orange, qu'il appelle silentium. C'est le premier bijou qu'il m'avait offert, celui qui est censé bloquer toutes les mauvaises ondes. C'était le plus abimé de tous, et il vient de céder pendant l'incident.
Laurel se retourne. Malgré son sourire factice, je devine son besoin imminent de réconfort. Son sentiment de culpabilité semble grossir à chaque fois qu'elle me voit et que son regard bleu papillonne entre ma main et mon visage, un battement d'aile d'insecte rythme sa détresse.
- On est arrivé, annonce-t-elle d'une voix dénuée d'entrain. Mais c'est fermé.
Je reconnais le café où nous étions passées chercher Aby. Moi qui voulais y aller un jour, je n'aurais jamais cru que ce serait dans de telles circonstances que j'y mettrai les pieds pour la première fois.
Abygaël nous dépasse et contourne le bâtiment. Javannah s'empresse de la suivre avant que la première ne finisse par nous l'ordonner.
À l'ombre, entre le café et l'immeuble voisin, sur le côté droit du bâtiment, se cache sous l'enfoncement avec un écriteau aussi rustique que l'architecture, une porte.
Une cage d'escaliers assez banale s'ouvre à nous, une odeur de peinture qui n'a jamais pu sécher embaume l'enceinte de la copropriété.
Mes membres tremblants s'agrippent au bois de la structure qui pourrait céder n'importe quand sous le poids de six jeunes adultes, tous plus crispés les uns que les autres.
Nous montons les escaliers, toujours dans le silence le plus complet. Les bourdonnements cessent un instant dans ma tête, le subconscient de chacun intrigué par le nouveau lieu.
J'entends Aby qui ouvre une seconde porte et dévoile un petit appartement. Une odeur de linge et de parfum d'intérieur me vrille les narines.
- Euh... Je vais chercher quelqu'un. Vous n'avez qu'à vous installer.
Elle s'empare d'une pile de vêtements entassée sur le canapé, libérant une place suffisante pour le gabarit de Laurel, et s'en va. Cette dernière s'y glisse en essayant d'ignorer les sous-vêtements fraîchement lavés sur l'accoudoir.
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Memoriae
FantasyLe jeune homme pose violemment le dossier sur la table. Table où reposent les charmantes chaussures de son interlocutrice endormie. Elle émet un grognement de protestation et s'étire. Puis ses yeux s'arrêtent sur le paquet de feuilles maladroitement...