- Abygaël -
Il faut savoir que nous, membres de l'Organisation, devons agir dans la plus grande des discrétions. Aussi loin que je m'en souvienne, Christian a toujours fait preuve d'un professionnalisme remarquable, il est de loin l'un des meilleurs de sa section.Ses cheveux longs qu'il ramenait habituellement en queue de cheval négligée ont laissé place à une coupe banale, rasé sur les côtés et un peu moins sur le dessus. Même son style vestimentaire a changé. Ses survêtements ternes ont été remplacés par des vêtements classes. Sa toute nouvelle apparence m'indique qu'il doit être en mission.
Par conséquent, je ne comprends pas pourquoi est-ce qu'il crie mon prénom dans mes oreilles. Bon sang, on est censé agir comme de parfaits étrangers ! Je suis également agréablement surprise de le revoir, mais nous devons conserver notre couverture à tout prix.
Je ne comprends pas non plus pourquoi ses mains se sont posées sur mes épaules. Ni pourquoi il me regarde avec un aussi grand sourire et des yeux attendris. Ce que je sais en revanche, c'est que ses amis me regardent avec stupéfaction et que Javannah me lance un regard noir.
Cela ne dure que quelques secondes, car elle reprend tout de suite son air sérieux et insensible :
- Nous ferions mieux d'entrer dans le restaurant.
Sa suggestion sonne comme un ordre. Nous nous exécutons. Christian rejoint sa petite-amie, non sans m'avoir adressé un regard signifiant "Il faut absolument qu'on se parle." Les autres suivent sans broncher. Je vois à leur attitude que plusieurs questions leur brûlent les lèvres.
Je me tiens un peu à l'écart et tire sur le bras de Zander pour que celui-ci se baisse. C'est néanmoins lui qui prend la parole en premier :
- Qu'est-ce que tu fous, Wexford ? m'accuse-il. Tu m'avais pas dit que tu connaissais le mec de Javannah !
- Mais je ne savais pas que c'était lui ! me défendé-je.
Je suis malheureusement interrompue par Julia qui nous montre du doigt la décoration du restaurant, charmée par le lieu. Il s'agit pourtant d'un restaurant ordinaire.
Il assez spacieux et une atmosphère agréable s'en dégage. Une petite musique de fond rappelle l'ambiance des bars dans les vieilles séries policières. Le mobilier est en chêne, les banquettes sont d'un brun olive. On se croirait presque dans une maison de campagne. Des tableaux représentant des paysages anciens ornent les murs, et c'est ce qui a attiré l'attention de Julia.
Mais nous n'avons pas le temps d'admirer les peintures, le serveur nous attribue une table pour huit. Nous nous installons. Julia, Laurel, Asher et moi sommes assis sur la banquette, en face de moi se trouvent Jonathan, Christian, Javannah et Zander. Ce dernier me lance des coups d'œil furtifs. Je sais à quoi il pense, mais ce n'est pas du tout le moment.
***
Je ne sais pas pourquoi mais je m'amuse à espérer que le Christian dont parlaient les filles n'est pas le même que Nicolas et moi connaissons. Ce serait gênant si Javannah sortait effectivement avec notre ancien instructeur. Ça m'a tellement chamboulée que j'ai failli oublier que ces filles-là n'étaient pas humaines.
Nan mais sérieusement, quelle était la probabilité que je puisse tomber sur quatre jeunes gens possédant une aura dans cette Université de gosses de riches, et qui en plus se trouvent être mes colocataires ? Hein, Organisation de mes deux, vous n'essayerez quand même pas d'me faire croire qu'il s'agit que d'une pauvre mission de surveillance ?!
Passant outre ma colère, j'ai découvert que Javannah est une Chasseuse. Julia semble être une Voyante et Laurel... eh bien je ne sais pas. Et c'est bien ça le problème. Pour l'instant elles ne semblent pas s'intéresser à moi, et ça m'arrange. Je n'ai pas besoin de me les mettre à dos, je dois d'abord me concentrer sur le petit ami de la Chasseuse.
Par je ne sais quel miracle, je suis invitée à leur sortie au restaurant. En revanche, ce qui me prend la tête en ce paisible samedi après-midi, c'est ce crétin de Zander. Je regarde une nouvelle fois le message qu'il m'a envoyé ce matin.
Zander : Wexford rdv à 14h vers le bâtiment principal
Je déteste le ton qu'il emploie dans ses messages. De plus, je tiens à préciser qu'il est 14h11 et que je le vois à peine arriver. Quelle ponctualité. Je me lève péniblement du banc pour aller à sa rencontre.
- Qu'est-ce que tu veux ? lancé-je.
Je me suis permise de le mettre au courant pour les auras des filles. Après tout, Zander est aussi invité demain soir. Je suis persuadée qu'elles se doutent de quelque chose, sans quoi nous n'aurions pas été conviés.
Si cette déduction est juste, ça voudrait aussi dire que Christian n'est pas humain, et que ma mission ici n'est pas de surveiller le secteur mais de recruter de nouveaux agents pour l'Organisation.
Lorsque j'ai appelé Zander pour lui parler de tout ça, nous nous sommes mis d'accord : il vaut mieux que nous présentions correctement, sinon elles risquent de se méfier de nous quand elles nous auront "démasqués"
- Finalement, dit-il, je ne veux pas que tu leur dises la vérité aujourd'hui. On devrait parler de ça dimanche.
- Quoi ?
- Ouais, je trouve que ça serait mieux d'en parler au restaurant, une fois qu'on saura si ce Christian est humain ou pas.
- Nan mais Zander, soupiré-je, tu m'as demandé de venir pour ça ?! T'aurais pu me le dire par message...
Il ignore ma remarque.
- Bon, dit-il en s'éloignant, on fait comme ça alors ? À demain !
***
Plus facile à dire qu'à faire, surtout lorsqu'une Chasseuse vous fusille du regard à l'autre bout de la table.
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Memoriae
FantasiLe jeune homme pose violemment le dossier sur la table. Table où reposent les charmantes chaussures de son interlocutrice endormie. Elle émet un grognement de protestation et s'étire. Puis ses yeux s'arrêtent sur le paquet de feuilles maladroitement...