19. Comme un con

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- Jonathan -

Jeudi 03 septembre, première réunion de la Confrérie d'Abraham.

Me voilà devant le gymnase, comme un con, la lettre violette dans ma main gauche et ce qui me reste de dignité dans l'autre.

A coup sûr, il s'agit d'une plaisanterie, d'une mauvaise blague. Mais oui, qui perdrait son temps à monter tout un club si c'est pour qu'on ne puisse pas s'y inscrire de plein gré ? Et puis, à quoi servent toutes ces réunions si ce club n'a pas réellement de but ?

Tu le sauras si tu y vas... me souffle mon crétin de subconscient. Je suis donc venu à cette première réunion de la secte bizarroïde d'Abraham's Church.

- Excuse-moi... ? me murmure timidement une voix.

Je baisse les yeux, cherchant la provenance de cette interpellation. C'est une autre étudiante, qui doit avoir mon âge. C'est une brune de petite taille avec des yeux foncés.

- Je pense que tu devrais ranger cette enveloppe avant que quelqu'un d'autre ne la voit, sourit-elle.

Elle a des petites fossettes et de légères taches de rousseur sur le nez. Je fourre le papier couleur lavande dans ma poche et la remercie de son conseil.

- Alors, euh, bredouillé-je, toi aussi tu es là pour...

Elle hoche vigoureusement la tête.

- Je m'appelle Victoria, se présente-t-elle, je suis en A.

La même classe que Dimitri.

- Jonathan, dis-je à mon tour, en B.

- Je sais, réplique-t-elle. Je pense que toutes les premières années te connaissent. Je trouve ça plutôt surprenant que tu aies reçu cette lettre. Je veux dire, tu connais déjà ton talent, c'est le football n'est-ce pas ? Ou peut-être es-tu un génie ?? Oh mince, j'me suis encore perdue dans mes pensées.

Et elle sourit à nouveau. J'étais loin d'imaginer que j'avais une si bonne réputation, les gens croient vraiment tout ce que l'on leur raconte.

Je l'interroge :

- Est-ce tu sais quelque chose sur ce club ?

Cette fois-ci, elle secoue la tête de toutes ses forces. Quelle drôle de fille.

- Rien. Absolument rien. C'est d'ailleurs pour ça que je suis venue, chuchote-t-elle. Je suis impatiente de voir ce que nous cache ce mystérieux groupe.

Elle aussi est donc venue par curiosité. C'est toujours mieux d'être à plusieurs dans le même bateau.

Je consulte ma montre.

- Il est presque 19h, on devrait entrer dans le gymnase.

Victoria me suit, et nous entrons dans l'enceinte de la structure. Je referme la porte derrière moi et remarque une affiche collée dessus.

Au fur et à mesure de ma lecture, je suis pris d'incontrôlables frissons. Je frotte vigoureusement mes épaules, dans l'espoir que ma chair de poule s'estompe.

Ces simples mots semblent vouloir dire tant de choses.

Première Réunion de la Confrérie d'Abraham.

• A tous ceux qui ont sont perdus sur le chemin de la vie
• A tous ceux qui sont rongés par la solitude
• A tous ceux qui ne se sentent pas à la hauteur
• A tous ceux qui se détestent
• A tous ceux qui regrettent la disparition d'un être cher
• A tous ceux qui auraient voulu changer les choses

A tous ces incompris nous souhaitons la bienvenue.

***

Le feu passe au vert. J'appuie sur l'accélérateur et le véhicule redémarre. Je prends à gauche deux fois. La voiture tourne une dernière fois à droite, dans la rue où j'habite.

Je me gare devant chez moi, attrape mon sac et sors. Je rentre et me débarrasse de mes chaussures. Une paire de bottes noires attire mon attention. Tiens, ma sœur est déjà rentrée ? 

- C'est moi ! crié-je, comme à mon habitude. Je prends juste une douche et je pars à l'entrainement. Judith a encore séché les cours?

Après un long moment la voix de mon père me répond :

- Jonathan, monte s'il te plaît.

Bizarre, il ne m'appelle jamais par mon prénom. Généralement c'est plutôt Johnny, ou ''mon fils''

J'entends des sirènes et plusieurs voitures de police passent dans la rue. Je monte les escaliers tout en disant :

- Oui je sais, ma chambre n'est pas rangée. C'est un peu dégueulasse mais j-

Je m'interromps une fois arrivé en haut, en voyant la mine grave de mes parents.

Le son incessant des véhicules bleu et blanc est beaucoup plus fort maintenant, comme s'ils étaient stationnés juste devant chez nous. Je regarde ma mère :

- Maman, qu'est-ce qu'il se passe ici ?

Elle me regarde, tandis que ses lèvres tremblent. Sa bouche s'ouvre et se ferme, mais aucun mot n'en sort. Enfin, elle éclate en larmes dans les bras de mon père. Je commence à me sentir mal.

- C'est Judith, commence mon père, elle...

Quelqu'un sonne à la porte. Le bruit de la sonnette, des sirènes et les pleurs de ma mère me donnent la migraine.

- Elle quoi ?! Qu'est-ce qu'il s'est passé ?!

Il prend une profonde inspiration.

- Ta soeur s'est suicidée.

MemoriaeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant